
11x : La Start-up Qui Promet Plus Qu’Elle Ne Tient
Imaginez une start-up qui promet de révolutionner les ventes grâce à l’intelligence artificielle, attirant des investisseurs prestigieux et affichant une croissance fulgurante. À première vue, 11x coche toutes les cases du succès : des millions levés, des bureaux flambant neufs à Silicon Valley et une technologie séduisante. Mais que se passe-t-il quand les promesses s’effritent face à la réalité ? Plongeons dans l’histoire troublante d’une entreprise qui semble avoir bâti son empire sur du sable.
Une Ascension Fulminante Sous les Projecteurs
Fondée en 2022 par Hasan Sukkar, 11x s’est rapidement imposée comme une étoile montante dans le domaine des **AI SDR** (représentants de développement des ventes assistés par IA). L’idée ? Automatiser les tâches chronophages des équipes commerciales : prospection, rédaction de messages personnalisés, prise de rendez-vous. En deux ans seulement, la start-up revendique un chiffre d’affaires annuel récurrent (ARR) frôlant les 10 millions de dollars. Une performance qui attire l’attention de géants du capital-risque.
En septembre dernier, 11x annonce une levée de fonds de 24 millions de dollars en Série A, menée par Benchmark. Quelques semaines plus tard, c’est Andreessen Horowitz (a16z) qui prend les rênes d’une Série B de 50 millions. Le déménagement de Londres à Silicon Valley complète ce tableau idyllique. Mais derrière cette façade brillante, des fissures commencent à apparaître.
Des Clients Fantômes sur le Site Web
L’un des premiers signaux d’alarme concerne les **logos de clients** affichés sur le site d’11x. Pour une jeune entreprise, exhiber des noms prestigieux est une stratégie courante pour asseoir sa crédibilité. Mais ici, plusieurs entreprises citées démentent tout lien avec la start-up. ZoomInfo, par exemple, a testé le produit pendant un mois avant de le rejeter, jugeant ses performances bien inférieures à celles de ses propres équipes.
Nous n’avons jamais autorisé 11x à utiliser notre logo, et nous ne sommes pas leurs clients.
– Porte-parole de ZoomInfo
Airtable raconte une histoire similaire : un essai bref, sans suite, et pourtant leur nom figure encore sur le site d’11x des mois plus tard. Certaines entreprises envisagent même des poursuites pour **pratiques commerciales trompeuses**. La start-up, elle, se défend en invoquant des erreurs humaines et assure retirer les logos litigieux dès qu’on le lui demande. Mais ces « oublis » répétés interrogent sur la transparence de l’entreprise.
Un ARR Gonflé par des Contrats Éphémères
Le chiffre d’affaires annuel récurrent (ARR) est une métrique clé pour les investisseurs. Chez 11x, ce chiffre impressionnant cache une réalité moins reluisante. La start-up propose des contrats d’un an avec une **clause de résiliation** à trois mois, une pratique qui ressemble à un essai déguisé. Problème : elle comptabilise l’intégralité de ces contrats dans son ARR, même quand les clients partent rapidement.
Des employés actuels et anciens estiment que **70 à 80 % des clients** abandonnent après la période d’essai. Résultat ? Un ARR réel bien inférieur aux montants annoncés. Un ancien salarié évoque un écart criant : 14 millions affichés, contre seulement 3 millions réellement pérennes. 11x rétorque qu’elle utilise le « CARR » (ARR contracté) et que ses investisseurs étaient informés. Mais dans l’écosystème des start-ups, omettre de préciser un **taux de churn** aussi élevé est perçu comme une faute grave.
Un Produit Qui Laisse à Désirer
Pourquoi tant de clients désertent-ils ? La réponse réside en partie dans le produit lui-même. L’IA d’11x promet de surpasser les commerciaux humains, mais les retours sont mitigés. Certains utilisateurs rapportent des **hallucinations** – des messages farfelus générés par l’IA – ou des bugs empêchant le système de fonctionner correctement. Un client raconte avoir dû vérifier manuellement chaque action, annulant tout gain d’efficacité.
Un autre point sensible : les attentes démesurées créées par les équipes commerciales. On promet des résultats spectaculaires – plus de rendez-vous, plus de démos – sans toujours les concrétiser. 11x se défend en soulignant que la performance dépend des données fournies par les utilisateurs. Mais pour beaucoup, le produit ne tient pas ses promesses.
Une Culture Interne Sous Pression
Si les clients fuient, les employés ne sont pas en reste. Plusieurs décrivent un environnement de travail toxique, orchestré par le PDG Hasan Sukkar. Les semaines de **60 heures** sont la norme, avec une disponibilité exigée à toute heure. Des messages Slack à 3 heures du matin ou des remontrances publiques sur le canal général illustrent cette pression constante.
Il ne croit pas aux vacances. On devait travailler même les jours fériés.
– Ancien employé d’11x
Le turnover est élevé : sur la photo des débuts, seul Sukkar reste aujourd’hui. Certains ex-employés attendent encore des salaires impayés, tandis que d’autres chronomètrent leur démission pour coïncider avec la paie. 11x attribue ce churn au déménagement transatlantique, mais les témoignages pointent une gestion autoritaire et chaotique.
Les Investisseurs dans la Tourmente
Avec des investisseurs comme a16z et Benchmark dans la boucle, on pourrait penser qu’11x bénéficie d’un filet de sécurité. Pourtant, des rumeurs circulent sur une possible action en justice de la part d’a16z, vite démenties par le fonds. Les VC interrogés soulignent que le problème n’est pas l’utilisation du CARR, mais le manque de transparence sur les désengagements massifs des clients.
Un investisseur ayant renoncé à la Série A raconte avoir découvert, lors de sa due diligence, que la technologie ne tenait pas la route après un mois d’utilisation. Les promesses d’11x semblent avoir séduit, mais pas convaincu sur la durée.
Que Reste-t-il d’11x ?
Entre clients mécontents, employés épuisés et chiffres discutables, 11x incarne les dérives d’une course effrénée à la croissance. Pourtant, tout n’est pas perdu. Des entreprises comme Pleo et Rho confirment utiliser ses outils avec satisfaction. La start-up affirme avoir amélioré son produit et atteint un **taux de rétention de 79 %** récemment. Mais ces progrès suffiront-ils à redorer son image ?
L’histoire d’11x est un rappel brutal : dans le monde des start-ups, la hype peut ouvrir des portes, mais seule la substance les maintient ouvertes. Pour l’instant, cette pépite de l’IA reste un mystère à décoder.
Les Leçons à Tirer pour l’Écosystème Tech
Que nous enseigne cette saga ? D’abord, que la transparence est non négociable. Les investisseurs, clients et employés méritent des données fiables, pas des illusions. Ensuite, que la technologie, aussi prometteuse soit-elle, doit prouver sa valeur au-delà des pitchs bien rodés.
- La crédibilité repose sur des résultats concrets, pas des logos volés.
- Un produit bancal finit toujours par trahir ses failles.
- Une culture toxique chasse les talents et fragilise l’entreprise.
11x peut encore se relever, mais le chemin sera long. En attendant, son parcours interroge : jusqu’où peut-on tendre la vérité avant que tout s’effondre ?