L’avenir incertain de la régulation de l’IA aux États-Unis
L'intelligence artificielle (IA) est en train de révolutionner de nombreux secteurs de notre société. Mais alors que son développement s'accélère, la question de sa régulation devient de plus en plus pressante. Aux États-Unis, un événement récent pourrait bien compromettre durablement les efforts en ce sens : l'annulation par la Cour Suprême de la "déférence Chevron", un principe juridique vieux de 40 ans. Quelles en seront les conséquences pour l'avenir de l'IA outre-Atlantique ?
La fin de la "déférence Chevron" et ses implications
La déférence Chevron, établie par un arrêt de 1984, stipulait que les cours de justice devaient s'en remettre à l'interprétation des lois par les agences fédérales lorsque celles-ci étaient ambiguës. Cela laissait une grande latitude à ces agences pour établir leurs propres règles.
Mais avec la récente décision de la Cour Suprême, les juges devront désormais exercer leur propre jugement légal. Cela signifie que le Congrès devra légiférer de manière beaucoup plus précise et détaillée, une tâche ardue étant donné la rapidité des avancées en IA.
Imaginons que le Congrès promulgue une loi sur l'IA avec toutes sortes de délégations. Par la nature des choses, il y aura forcément des vides... Voulons-nous que les cours ou les agences comblent ces vides ?
– Elena Kagan, juge à la Cour Suprême
Un casse-tête pour les législateurs
Concrètement, cela signifie que toute loi sur l'IA devra être extrêmement spécifique pour résister aux contestations juridiques. Un véritable casse-tête pour des législateurs qui peinent déjà à s'accorder sur un cadre réglementaire de base. Beaucoup pourraient considérer l'exercice comme futile et abandonner leurs projets de loi.
En l'absence d'un cadre fédéral, ce sont les États qui ont commencé à légiférer, avec le risque d'un patchwork de règles disparates sur le territoire. Une situation qui pourrait freiner l'innovation et pénaliser les entreprises.
L'inconnue environnementale
Un autre enjeu de taille est celui de l'impact environnemental de l'IA. Les modèles d'IA sont extrêmement gourmands en énergie, mais peu d'entreprises communiquent sur le sujet. Google par exemple, dans son dernier rapport environnemental, reste flou sur la consommation de ses systèmes d'IA.
Sans un cadre réglementaire contraignant, il est à craindre que cet enjeu crucial ne soit relégué au second plan, les géants de la tech préférant mettre en avant les prouesses de leurs IA plutôt que leur coût pour la planète.
Quel avenir pour l'IA aux États-Unis ?
La décision de la Cour Suprême fait donc planer une grande incertitude sur l'avenir de la régulation de l'IA outre-Atlantique. Si le Congrès ne parvient pas à s'accorder sur des règles claires et précises, le risque est grand de voir se développer une IA à deux vitesses :
- D'un côté, les géants de la Silicon Valley disposant des ressources pour naviguer entre les différentes législations des États.
- De l'autre, les startups et PME freinées dans leur développement par un cadre règlementaire flou et fluctuant.
Une telle situation aurait des répercussions bien au-delà des frontières américaines, étant donné le leadership des États-Unis dans le domaine. Il est donc crucial que les législateurs prennent la mesure de l'enjeu et s'attellent rapidement à l'élaboration d'un cadre réglementaire ambitieux et cohérent, à même d'encourager une IA éthique et responsable. L'avenir de cette technologie révolutionnaire en dépend.