L’ARNm Révolutionne la Production de Médicaments
Et si notre corps devenait sa propre usine à médicaments ? C'est la prouesse réalisée par une équipe de chercheurs de l'University of Texas (UT) Southwestern Medical Center. En modifiant de l'ARN messager (ARNm), ils sont parvenus à transformer des cellules en minuscules usines de production de protéines thérapeutiques. Une avancée qui ouvre la voie à de nouveaux traitements pour des maladies inflammatoires comme le psoriasis, mais aussi certains cancers.
L'ARNm, messager devenu outil thérapeutique
L'ARN messager contient les instructions qui dirigent une cellule pour fabriquer une protéine spécifique en utilisant sa machinerie intégrée. Beaucoup connaissent l'ARNm en raison de son association avec le vaccin COVID-19. Mais son potentiel s'étend bien au-delà, notamment comme traitement génique pour un large éventail de maladies.
Dans cette étude publiée dans PNAS, les chercheurs ont utilisé de l'ARNm modifié pour inciter les cellules à sécréter leurs propres médicaments. Ils ont isolé un morceau d'ARNm qui produit un "peptide signal" (SP) dérivé du facteur VII, une protéine impliquée dans la coagulation sanguine. Ce SP agit comme une "étiquette d'expédition métaphorique" pour guider les protéines vers l'espace extracellulaire.
Des cellules transformées en usines à médicaments
Les chercheurs ont attaché ce SP à différentes séquences d'ARNm codant pour des protéines thérapeutiques comme l'etanercept (anti-inflammatoire) et l'anti-PD-L1 (anticancéreux). Une fois ces ARNm modifiés encapsulés dans des nanoparticules lipidiques et délivrés aux cellules, celles-ci ont sécrété les protéines étiquetées SP.
Chez des souris atteintes de psoriasis, l'ARNm modifié codant pour l'etanercept a significativement réduit les plaques cutanées. Et chez des souris porteuses de cancer du côlon et de mélanome métastatique, les ARNm anti-PD-L1 ont diminué la croissance tumorale et doublé la durée de vie par rapport aux souris non traitées.
"Au lieu de se rendre fréquemment à l'hôpital pour des perfusions, cette technologie pourrait un jour permettre à un patient de recevoir un traitement en pharmacie ou même à domicile une fois par mois, ce qui améliorerait considérablement sa qualité de vie", souligne Daniel Siegwart, auteur correspondant de l'étude.
- Professeur Daniel Siegwart, University of Texas Southwestern Medical Center
Vers une médecine plus personnalisée
Cette technologie baptisée SEND (Signal peptide Engineered Nucleic acid Design) pourrait améliorer l'efficacité et réduire les effets secondaires des protéines médicaments actuellement administrées par perfusion. Les chercheurs estiment que les médicaments ainsi produits par l'organisme lui-même pourraient révolutionner le traitement de nombreuses pathologies :
- Maladies inflammatoires chroniques comme la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn...
- Cancers du sein, de la prostate, du poumon...
- Troubles de la coagulation sanguine comme l'hémophilie
- Diabète et maladies métaboliques
- Maladies génétiques rares
En somme, faire produire les médicaments directement par les cellules du patient ouvre la voie à une médecine plus ciblée et personnalisée. Un changement de paradigme qui pourrait bien révolutionner notre approche des traitements dans les années à venir. La technologie SEND n'en est qu'à ses débuts, mais elle illustre tout le potentiel thérapeutique de l'ARN messager, cette molécule clé de notre machinerie cellulaire.