La chute d’un empire : La faillite de Fisker Inc.
L'industrie automobile est en pleine révolution avec l'essor fulgurant des véhicules électriques. De nombreuses startups se sont lancées dans la course, rêvant de devenir les nouveaux Tesla. Parmi elles, Fisker Inc. semblait promise à un bel avenir. Mais le rêve a tourné court. Retour sur une faillite qui ébranle le secteur.
Fisker Inc. : Des débuts prometteurs
Fondée en 2016 par Henrik Fisker, célèbre designer automobile, la startup Fisker Inc. avait tout pour réussir. Avec un concept novateur de SUV électrique, l'Ocean, la société a rapidement suscité l'intérêt des investisseurs et du public.
Henrik Fisker n'en était pas à son coup d'essai. Il avait déjà créé Fisker Automotive en 2007, avant une première faillite en 2013. Mais cette fois, il semblait avoir tiré les leçons du passé. Fisker Inc. a levé des fonds importants et noué des partenariats stratégiques, notamment avec le géant Magna International pour la production.
Un positionnement haut de gamme
Avec l'Ocean, Fisker visait le segment premium du marché des SUV électriques. Un positionnement ambitieux, face à des concurrents de taille comme Tesla, Audi ou Jaguar. Mais la startup misait sur un design distinctif et des caractéristiques innovantes pour se démarquer :
- Un toit solaire pour recharger les batteries
- Un intérieur végane avec des matériaux recyclés
- Une autonomie annoncée de plus de 500 km
Sur le papier, l'Ocean avait de solides arguments. Les précommandes affluaient, avec plus de 40 000 réservations enregistrées fin 2021. Tout semblait sourire à Henrik Fisker et son équipe. Mais c'était sans compter les écueils de l'industrialisation à grande échelle.
Les premiers signes de faiblesse
Dès 2022, des retards sur le planning de production ont commencé à apparaître. Fisker évoquait des difficultés d'approvisionnement en composants clés, comme les semi-conducteurs. Un problème rencontré par l'ensemble de l'industrie automobile, durement touchée par la pénurie mondiale.
Parallèlement, la concurrence s'intensifiait sur le segment des SUV électriques. Tesla lançait son Model Y tandis que les constructeurs traditionnels accéléraient leur transition vers l'électrique. Dans ce contexte, les 500 premiers exemplaires de l'Ocean livrés fin 2022 ne suffisaient plus à rassurer sur la capacité de Fisker à tenir ses promesses.
Fisker a levé le pied sur les dépenses et reporté ses projets. Une décision qui vise à donner de l'air à court terme, mais qui pénalise le développement sur le long terme.
Analyste financier, début 2023
Une spirale infernale
Car en coulisses, la situation financière se dégradait à vitesse grand V. Pour maintenir l'entreprise à flot, Henrik Fisker a dû se résoudre à multiplier les levées de fonds en 2023, acceptant des conditions de plus en plus défavorables. La valorisation de la société s'effritait en bourse face aux doutes grandissants des investisseurs.
Pire, des révélations dans la presse ont fait état de vices de fabrication sur l'Ocean, avec des problèmes de batterie pouvant causer des pertes d'autonomie. Malgré des campagnes de rappel, la confiance était ébranlée. Et le rythme des ventes ne décollait toujours pas suffisamment pour atteindre la rentabilité.
Le coup de grâce
Affaiblie, Fisker s'est retrouvée au pied du mur fin 2023 suite à un retard dans la publication de ses résultats trimestriels. Un évènement qui a activé une clause dans les contrats avec son principal créancier, le fonds Heights Capital Management. Du jour au lendemain, la dette de 500 millions de dollars est devenue exigible, mettant la trésorerie de la startup dans le rouge vif.
Sans solution de refinancement, Henrik Fisker a dû se résoudre au dépôt de bilan en mai 2024. Un véritable séisme pour l'écosystème des startups automobiles. D'autant que l'enquête des administrateurs judiciaires a révélé des zones d'ombres dans la gestion des prêts accordés par Heights Capital Management, qui semble avoir précipité la chute en rigidifiant les conditions au pire moment.
Et maintenant ?
La faillite de Fisker soulève de nombreuses questions. Au-delà du cas particulier de la startup, c'est la soutenabilité du modèle des nouveaux entrants automobiles qui est remise en question. Car réussir dans cette industrie extrêmement capitalistique relève d'un immense défi, que peu arrivent à relever malgré les promesses de la révolution électrique.
Tesla fait figure d'exception, mais il a fallu plus de 15 ans à Elon Musk pour passer de l'idée à la rentabilité. Les jeunes pousses disposent-elles des ressources et de la patience nécessaires pour s'installer durablement ? Rien n'est moins sûr au vu de la nervosité des marchés financiers et de l'accélération des grands constructeurs dans l'électrique.
Une chose est sûre, la faillite de Fisker Inc. restera comme un cas d'école. Un avertissement pour une industrie en pleine mutation, où l'audace d'entreprendre ne suffit plus. Car pour transformer l'essai, il faut aussi une solidité opérationnelle et financière à toute épreuve. Un défi XXL, mais pas impossible pour les startups automobiles qui sauront tirer les leçons de cet échec retentissant.