La filière batterie française face aux risques professionnels

Alors que la filière française des batteries électriques est en plein essor, avec la construction de plusieurs gigafactories, la question de la sécurité des salariés se pose avec acuité. En effet, la fabrication de batteries lithium-ion expose les travailleurs à des risques spécifiques, notamment chimiques et d'incendie, qui nécessitent une prévention renforcée.

Le risque chimique, premier danger

Le process de production des cellules de batterie met en œuvre de nombreuses substances classées dangereuses, cancérogènes ou toxiques comme le lithium, le nickel ou le cobalt. Selon une estimation, environ 50% des salariés seraient concernés par ce risque d'exposition chimique, notamment lors des phases de fabrication des électrodes et de remplissage en électrolyte.

Pour protéger les opérateurs, les industriels mettent en place des équipements de protection collective (aspiration, boîtes à gants...) et individuelle (masques, gants, combinaisons...). Mais malgré ces précautions, des accidents surviennent encore, le plus souvent bénins (projections, irritations...) mais parfois graves comme cette perte de vue il y a quelques années.

Il reste aussi de nombreuses inconnues sur les effets à long terme d'une exposition répétée à de faibles doses. Les études manquent sur le sujet, au grand dam des médecins du travail.

L'enjeu clé de la formation

Pour la CFDT, un des enjeux majeurs est la formation des salariés à ces nouveaux risques. Beaucoup viennent de l'automobile et n'ont pas la culture du risque chimique. Il faut les former pour qu'ils adoptent les bons réflexes en cas de problème.

Le salarié doit être impliqué et formé, car c'est lui qui va devoir réagir correctement en cas de problème, et très vite s'il s'agit d'un emballement thermique.

Christelle Monier et Franck Daoût, CFDT

Le spectre de l'emballement thermique

L'autre grand danger des batteries au lithium est le risque d'emballement thermique qui peut mener à un incendie voire une explosion. Ce phénomène encore mal connu touche surtout les batteries défectueuses. Il est difficile à maîtriser une fois enclenché.

Les industriels multiplient les précautions : stockage dans des armoires ignifugées, manipulation des batteries à risque sous vitres de protection, caissons d'isolation... Mais là encore, la formation et la réaction ultra-rapide des salariés est primordiale.

• En 2023, environ 70 incendies liés aux batteries ont été recensés, touchant surtout les centres de tri et de recyclage

Le défi du recyclage des batteries

Car c'est bien l'aval de la filière, lors du reconditionnement ou du recyclage des batteries usagées que le risque d'emballement est le plus élevé. Chaque mois ou presque, un site de traitement des déchets part en fumée à cause d'une batterie au lithium.

Un véritable défi pour les recycleurs qui doivent mettre en place des protocoles de sécurité drastiques, isoler les batteries à risque, former leurs équipes... tout en faisant face à un afflux massif de batteries dans les années à venir avec l'essor des véhicules électriques. Un enjeu de taille pour la filière.

Car au-delà de la sécurité des travailleurs, c'est l'acceptabilité même de cette industrie qui est en jeu. Entres pollutions des usines, incendies à répétition et risque d'accident majeur, les batteries souffrent déjà d'une image dégradée auprès du grand public.

Pour s'imposer comme une filière d'avenir et créatrice d'emplois, elle va devoir faire ses preuves en matière de maîtrise des risques professionnels et environnementaux. Un immense chantier qui ne fait que commencer.