L’ASN nomme un expert du nucléaire pour diriger la future ASNR
La filière nucléaire française est en pleine ébullition. Alors que le gouvernement mise sur une relance d'ampleur, un changement de taille se profile à l'horizon 2025 : la fusion entre l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Pour piloter cette nouvelle entité baptisée ASNR, le président de la République propose un expert du secteur : Pierre-Marie Abadie, actuel président de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).
Un expert du nucléaire pour un défi de taille
Polytechnicien et ingénieur général des mines, Pierre-Marie Abadie, 56 ans, dirige l'Andra depuis 2014. À ce titre, il porte le projet controversé Cigéo d'enfouissement des déchets radioactifs à Bure (Meuse). Sa nomination à la tête de l'ASNR apparaît donc comme un signal fort envoyé par l'exécutif.
Sa première mission sera de réussir la fusion entre l'ASN, en charge du contrôle et des décisions sur les centrales, et l'IRSN, expert technique qui mène les recherches en sûreté et radioprotection. Deux entités qui rassemblent plus de 2200 agents hautement qualifiés, mais aux méthodes de travail différentes. Un défi humain et organisationnel de taille.
Rassurer sur l'indépendance de la future autorité
Au-delà des aspects techniques, Pierre-Marie Abadie devra surtout rassurer sur l'indépendance de la future autorité de sûreté nucléaire. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer une fusion perçue comme une menace pour l'expertise et la transparence du contrôle. L'enjeu est de taille, alors que la France s'apprête à lancer la construction de nouveaux réacteurs.
Il faudra trouver un équilibre subtil entre l'accompagnement de la relance du nucléaire voulue par le gouvernement et la préservation d'un regard critique indépendant, gage de sûreté et d'acceptabilité pour les populations.
Un expert du secteur
Obtenir le feu vert des parlementaires
Nommé président de l'ASN dès novembre 2024, Pierre-Marie Abadie devra cependant encore obtenir le feu vert des députés et sénateurs. Un passage obligé depuis la loi de 2006 sur la transparence nucléaire. L'occasion pour les parlementaires de l'interroger sur sa vision pour ce nouveau « gendarme du nucléaire », et les garanties apportées en termes d'indépendance et de moyens face aux industriels.
S'il est validé, il aura ensuite deux mois pour finaliser la préfiguration de l'ASNR avant sa création officielle au 1er janvier 2025. Un travail préparatoire crucial pour poser les bases de la nouvelle organisation et définir ses priorités, alors que de nombreux dossiers brûlants l'attendent :
- La poursuite du chantier de l'EPR de Flamanville
- Le lancement d'une nouvelle série de réacteurs
- La prolongation de centrales au-delà de 50 ans
- La gestion des déchets radioactifs avec le projet Cigéo
- Le renforcement de la sûreté post-Fukushima
Un casting qui suscite des interrogations
Le choix de Pierre-Marie Abadie, véritable expert technique du nucléaire, rompt avec les profils plus généralistes et juridiques qui présidaient auparavant l'ASN. Un casting qui suscite des interrogations quant à la future ligne de l'ASNR, même si beaucoup saluent l'expérience et la fine connaissance des enjeux industriels du personnage.
Certains observateurs s'inquiètent d'un possible conflit d'intérêt, alors que l'ASNR sera amenée à se prononcer sur des dossiers directement portés par l'Andra ces dernières années, à commencer par Cigéo. Le gouvernement assure que des règles strictes de déport seront appliquées. Reste que la sensibilité du sujet ne manquera pas de susciter une vigilance accrue des ONG et des élus locaux.
2025, une année charnière pour le nucléaire français
Au final, la nomination de Pierre-Marie Abadie apparaît comme un élément clé d'une séquence chargée pour l'atome tricolore. 2025 sera une année charnière, avec la mise sur orbite de l'ASNR mais aussi des décisions structurantes attendues sur la relance du nucléaire et plusieurs chantiers industriels majeurs.
Une chose est sûre : entre montée en compétence, rodage des équipes et enjeux prioritaires, la nouvelle autorité ne manquera pas de pain sur la planche pour ses premiers mois d'existence. Son président aura fort à faire pour imprimer sa marque et asseoir la légitimité de ce nouvel acteur clé d'une filière nucléaire en pleine recomposition.
Un défi à la hauteur des compétences techniques et du sens politique de Pierre-Marie Abadie. Mais aussi une immense responsabilité au service de la sûreté nucléaire et de la transparence démocratique. Deux exigences plus que jamais essentielles pour l'avenir énergétique du pays.
