Duralex, Emblème Français du Verre Trempé, en Quête d’un Repreneur
Au cœur du Loiret, la célèbre verrerie Duralex, fleuron de l'industrie française, vit des heures sombres. Placée en redressement judiciaire depuis le 24 avril, l'entreprise et ses 228 salariés attendent fébrilement la décision du tribunal de commerce d'Orléans, qui doit trancher le 26 juillet entre deux projets de reprise radicalement différents. D'un côté, une Société Coopérative et Participative (SCOP) portée par les salariés, de l'autre, un repreneur industriel. L'enjeu : perpétuer un savoir-faire artisanal unique et sauver 228 emplois locaux.
Duralex, un symbole du Made in France en péril
Fondée en 1945, Duralex a révolutionné le monde de la verrerie avec ses fameux verres trempés, réputés incassables. Des écoliers aux grands chefs, ses créations emblématiques comme le verre Gigogne ou le bol Pyrex ont conquis les foyers du monde entier, s'érigeant en symboles du art de vivre à la française. Mais derrière ce succès, l'entreprise a accumulé les difficultés.
Duralex connaît son quatrième redressement judiciaire en 20 ans.
Un lourd passif qui laisse des traces : une trésorerie exsangue, des investissements reportés, une stratégie commerciale en berne... Autant de failles qui menacent aujourd'hui la pérennité de ce fleuron industriel et le savoir-faire unique de ses artisans verriers.
Un duel de repreneurs aux philosophies opposées
Face à ce constat alarmant, deux projets de reprise radicalement différents s'affrontent, incarnant deux visions de l'industrie :
- D'un côté, une Scop initiée par une partie des salariés, visant à transmettre l'entreprise à ses 228 employés. Un projet social et écologique, pour une gouvernance démocratique et une dynamique collective.
- De l'autre, l'offre de reprise d'Adrien Tourres, industriel déjà propriétaire de deux verreries. Un projet capitalistique classique, misant sur les synergies et la rationalisation, avec à la clé une réduction des effectifs.
Deux philosophies s'opposent. Les salariés, soutenus par les élus locaux, défendent l'emploi et l'ancrage territorial de Duralex. Adrien Tourres met en avant sa solidité financière et sa légitimité industrielle. Le tribunal tranchera le 26 juillet.
Au-delà de Duralex, l'avenir de l'industrie française en question
Plus qu'un simple duel économique, l'avenir de Duralex cristallise les enjeux de la réindustrialisation française. Comment concilier sauvegarde de l'emploi, transmission des savoir-faire et impératifs de compétitivité ? Quelle place pour des schémas alternatifs comme les Scop dans un tissu industriel fragilisé ?
Au-delà du cas Duralex, c'est tout un écosystème industriel local qui vacille, des fournisseurs aux sous-traitants. Car une entreprise n'est jamais une île, mais le maillon vital d'une chaîne de valeur territoriale.
« Avec une Scop, les salariés, qui connaissent bien leur outil de production, deviennent les patrons. On a trop connu de reprises au service d'une maison-mère… » souligne Suliman El Moussaoui, délégué syndical CFDT.
Une inquiétude partagée par les élus locaux, qui voient dans le projet de Scop un rempart contre les délocalisations et un levier de dynamisme économique pour le territoire. La Région s'est ainsi engagée à soutenir la Scop et à entrer à son capital.
Passer de l'artisanat à l'industrie du 21e siècle
Mais pour assurer la pérennité de Duralex, il faudra plus qu'un actionnariat engagé. Le verrier doit impérativement moderniser son outil industriel, notamment ses fours vieillissants, et revoir de fond en comble sa stratégie commerciale pour reconquérir des parts de marché.
Un défi industriel et managérial majeur, qui suppose des investissements conséquents et une vision long-terme. La Scop aura-t-elle les reins assez solides ? Le projet Tourres ne risque-t-il pas de dénaturer l'ADN de Duralex ?
Autant de questions en suspens, alors que le feuilleton Duralex entre dans son épilogue judiciaire. Mais une certitude demeure : la France a plus que jamais besoin d'industries performantes, ancrées dans les territoires et porteuses de sens pour leurs salariés. Puisse le « made in Duralex » en rester l'éclatant symbole.