Les gérants chinois plafonner les salaires pour réduire les inégalités
Alors que les inégalités de revenus se creusent en Chine, des gérants d'actifs de premier plan prennent des mesures inédites pour y remédier. China Merchants Fund Management et Bosera Asset Management ont ainsi décidé de plafonner les salaires annuels de leurs employés, s'alignant sur la politique de "prospérité commune" promue par Pékin pour réduire les écarts de richesse.
Des plafonds salariaux drastiques dans la finance chinoise
Selon des sources proches du dossier, China Merchants FM a informé ses équipes que leur rémunération annuelle serait désormais limitée à 3 millions de yuans (environ 380 000 euros). Les employés devront même rembourser les sommes perçues au-delà de ce plafond en 2022, ce qui concernerait une soixantaine de personnes. De son côté, Bosera AM a fixé la barre à 2,9 millions de yuans.
Ces décisions sans précédent illustrent la volonté du gouvernement chinois de mieux réguler la répartition des richesses, alors que la croissance du pays ralentit. Les autorités accusent notamment le secteur financier de demeurer très rentable malgré des performances d'investissement mitigées.
Un enjeu crucial pour la stabilité sociale
En limitant ainsi les rémunérations dans la finance, Pékin entend promouvoir une société plus égalitaire et harmonieuse. Cette politique de "prospérité commune" vise à ce que les fruits de la croissance bénéficient au plus grand nombre, et non à une élite restreinte.
"La répartition des revenus et les manières d'accumuler des richesses demeureront bien régulées, et les revenus excessifs seront correctement ajustés."
Comité central du Parti communiste chinois
D'autres institutions financières ont déjà pris des initiatives similaires, ciblant notamment les banquiers d'affaires aux revenus très élevés. L'objectif est de mettre un terme aux rémunérations jugées indécentes dans un contexte de ralentissement économique.
Les défis de l'attractivité et de la performance
Si ces mesures reflètent la volonté politique chinoise, elles pourraient néanmoins soulever certaines difficultés pour les entreprises concernées. Plafonner les salaires risque en effet de compliquer le recrutement et la rétention des meilleurs talents, tout en décourageant la surperformance.
Interrogé par Reuters, un responsable commercial d'un gérant d'actifs s'inquiète :
"Désormais, plus personne ne voudra faire l'effort de vendre des produits. Nous pouvons rester à ne rien faire juste pour garder notre emploi, parce que nous craignons trop de devoir rendre l'argent qui nous sera versé."
Si un ajustement des rémunérations semble nécessaire face à l'érosion des marges, demander le remboursement des salaires antérieurs apparaît plus problématique, allant à l'encontre de l'esprit des contrats.
Vers une finance plus responsable et inclusive ?
Malgré les défis soulevés, la limitation des écarts de revenus dans la finance pourrait favoriser l'émergence d'un système plus équitable et durable. En réduisant les inégalités et en promouvant une prospérité partagée, la Chine ouvre la voie à un nouveau modèle de croissance.
Cette politique volontariste rappelle que la finance n'est pas une fin en soi, mais un outil au service de l'économie réelle et du bien commun. En encadrant mieux les rémunérations excessives, Pékin entend rééquilibrer le partage de la valeur et construire une société plus juste.
Il reste à voir si cette approche pourra être pérennisée sans nuire à l'attractivité du secteur financier et à sa capacité d'innovation. Une chose est sûre : en s'attaquant frontalement aux inégalités, la Chine bouscule les codes et trace une voie originale, à rebours de l'ultralibéralisme dominant. Une expérience à suivre de près.