Tarification Ciblée : La FTC Enquête sur les Pratiques Commerciales
Imaginez entrer dans un magasin et payer plus cher qu'un autre client pour le même produit, simplement parce que l'enseigne a eu accès à vos données personnelles. Bienvenue dans l'ère de la "tarification ciblée", une pratique commerciale qui inquiète jusqu'aux plus hautes instances régulatrices. La Federal Trade Commission (FTC) américaine vient en effet d'ouvrir une enquête auprès de huit multinationales, les soupçonnant d'exploiter un vaste écosystème de données clients pour adapter leurs prix en temps réel.
Quand l'IA s'invite dans la fixation des prix
Parmi les entreprises visées, on retrouve des géants de la finance comme JPMorgan Chase et Mastercard, des cabinets de conseil tels qu'Accenture et McKinsey, mais aussi des éditeurs de logiciels spécialisés dans le "pricing" comme PROS, Revionics ou encore la plateforme e-commerce Bloomreach. Leur point commun ? Mettre en avant leurs solutions d'intelligence artificielle et de machine learning capables "d'utiliser les données d'historique et actuelles des clients pour générer des expériences d'achat uniques".
Concrètement, ces outils sont en mesure d'exploiter une myriade d'informations comme les données géographiques, démographiques, l'appareil utilisé pour l'achat ou encore l'historique de navigation, dans le but d'afficher le "bon prix" au "bon client", au "bon moment". Un microciblage qui pourrait s'avérer discriminant selon la FTC, craignant de voir certaines catégories de population pénalisées, à l'instar des femmes ou des habitants des zones rurales.
Des prix qui s'adaptent en temps réel
Si la "tarification ciblée" en fonction du profil client ne semble pas encore généralisée, la "tarification dynamique" (ou "surge pricing") a quant à elle déjà conquis de nombreux secteurs. Cette approche, popularisée par Uber, consiste à faire varier les prix en continu en fonction de l'offre et de la demande. Résultat, les tarifs des courses VTC peuvent grimper en flèche lors des heures de pointe, tout comme les frais de bagages enregistrés chez la compagnie aérienne JetBlue depuis mars dernier.
Les entreprises qui collectent les données personnelles des Américains peuvent mettre en danger leur vie privée. Désormais, les entreprises pourraient exploiter cette vaste réserve de données personnelles pour facturer des prix plus élevés.
– Lina Khan, Présidente de la FTC
Vers une généralisation des étiquettes électroniques ?
Surfant sur cette tendance, Walmart prévoit d'équiper 2300 de ses magasins en étiquettes de prix numériques. Objectif affiché : pouvoir moduler les tarifs en fonction de paramètres aussi divers que la météo ou la date limite de consommation des produits. Une petit révolution dans l'univers de la grande distribution, qui devrait bientôt gagner l'Europe et la France.
Face à ces bouleversements, les régulateurs tentent de garder une longueur d'avance pour éviter les dérives. En demandant à ces huit acteurs de lever le voile sur leurs systèmes de tarification, la FTC espère ainsi comprendre leur fonctionnement et leur impact réel sur les consommateurs. Les conclusions de son enquête seront scrutées avec attention, tant les enjeux sont importants en termes de protection des données, de transparence et d'équité. Car si le "pricing" intelligent promet des merveilles en termes d'optimisation des marges, il ne faudrait pas qu'il se fasse au détriment du client, transformé en produit à son insu.
Dans ce contexte, le consommateur est plus que jamais encouragé à garder le contrôle sur ses informations personnelles. En refusant les "cookies" et en naviguant de façon anonyme, il préserve un minimum de confidentialité. Pour les achats plus conséquents, mieux vaut comparer les prix sur plusieurs sites et appareils avant de se décider. Des gestes simples mais essentiels pour éviter de devenir un "homme (ou une femme) à prix variable" dans le grand casino de l'e-commerce...
