Crise de l’Automobile Allemande : ZF Supprime 14 000 Postes
Signe de la crise profonde traversée par l'industrie automobile allemande, l'équipementier ZF Friedrichshafen a annoncé fin juillet la suppression de près d'un quart de ses effectifs dans le pays, soit 14 000 postes, d'ici 2028. Cette décision drastique met en lumière les difficultés rencontrées par ce fleuron industriel, mais aussi plus largement les défis auxquels est confronté tout le secteur outre-Rhin.
ZF étranglé par les dettes et la chute des ventes
Avec un chiffre d'affaires de 46 milliards d'euros en 2023, le fabricant de boîtes de vitesses et de systèmes de transmission ZF fait face à un endettement élevé, conséquence de plusieurs acquisitions majeures ces dernières années, dont celles de l'américain TRW et du fabricant de freins Wabco. Des investissements qui devaient permettre de mieux négocier le virage de l'électrification, mais qui pèsent aujourd'hui lourdement dans les comptes.
ZF subit également de plein fouet l'effondrement du marché allemand des véhicules électriques, divisé par trois entre 2023 et 2024 suite à l'arrêt brutal des aides à l'achat. Dans le même temps, les prix des matières premières flambent et les taux d'intérêt grimpent, compliquant encore l'équation pour les constructeurs et équipementiers.
La pression des constructeurs sur les fournisseurs
Conséquence de cette conjoncture défavorable, les constructeurs allemands mettent une pression inédite sur leurs sous-traitants pour réduire les coûts. Selon Frank Göller, expert automobile chez Horváth :
L'optimisation des coûts est aujourd'hui la priorité des constructeurs allemands qui répercutent une pression inégalée sur leurs sous-traitants directs.
Pour y faire face et s'adapter à la transition électrique qui nécessite moins de main d'œuvre, ZF dit vouloir se recentrer sur les activités les plus porteuses comme les poids lourds, les châssis et les pièces détachées. Mais le syndicat IG Metall craint surtout une vague de délocalisations vers des pays à bas coûts.
Le spectre de la concurrence chinoise
Au-delà des difficultés conjoncturelles, l'industrie automobile allemande voit aussi sa suprématie remise en cause, notamment par la montée en puissance des marques chinoises sur le segment électrique :
- En 2023, l'Allemagne a livré 320 000 véhicules électriques en Chine, contre 280 000 importations chinoises en Europe.
- Mais en 2024, les ventes de véhicules chinois en Europe pourraient atteindre 440 000 unités, contre seulement 295 000 véhicules allemands exportés.
Profitant de coûts de production inférieurs et d'une stratégie volontariste sur l'électrique, les constructeurs chinois gagnent des parts de marché, au détriment des acteurs historiques allemands sur leur propre terrain.
Quel avenir pour l'automobile allemande ?
Les 14 000 suppressions de postes annoncées par ZF constituent un choc pour l'industrie, mais d'autres mauvaises nouvelles pourraient suivre selon Ferdinand Dudenhöffer, expert automobile :
Sans soutien politique, nous ne sommes pas à la fin des vagues de licenciements dans toute l'industrie automobile.
Volkswagen a ainsi récemment annoncé le non-renouvellement de 1000 contrats sur son site dédié à l'électrique de Zwickau. Pour rester dans la course, les acteurs allemands devront miser sur l'innovation, la montée en gamme et la transformation de leur outil industriel. Un immense défi alors que la concurrence internationale s'intensifie et que la transition écologique s'accélère.
La crise traversée par ZF et plus largement par le « Made in Germany » automobile soulève de nombreuses questions sur l'avenir de cette industrie clé outre-Rhin. Une révolution est à l'œuvre et tous les acteurs devront se réinventer pour espérer en sortir gagnants. Les prochains mois seront décisifs pour mesurer leur capacité d'adaptation dans cet environnement profondément bouleversé.
