Allemagne : Un recul économique inattendu au deuxième trimestre 2024
C'est une nouvelle qui a pris de court les observateurs économiques. Selon les chiffres officiels publiés mardi, le produit intérieur brut (PIB) allemand a reculé de 0,1% au deuxième trimestre 2024 par rapport au trimestre précédent. Une contre-performance inattendue pour la première économie européenne, qui était attendue en légère hausse de 0,1% par le consensus des économistes.
Un coup de frein brutal au printemps
Après un premier trimestre en progression de 0,2%, l'économie allemande marque donc le pas au printemps. Ce recul tranche avec la bonne résistance affichée en 2023 malgré un contexte international dégradé, marqué par la guerre en Ukraine, la crise énergétique et une inflation record.
L'Allemagne, très dépendante de ses exportations, subit de plein fouet le ralentissement de la demande mondiale. Son industrie manufacturière, fleuron de son modèle économique, est particulièrement affectée par la baisse des commandes, notamment en provenance de Chine.
Une demande intérieure en berne
Au-delà du commerce extérieur, c'est aussi la demande intérieure qui peine à soutenir l'activité. La consommation des ménages est pénalisée par une inflation toujours élevée, qui rogne le pouvoir d'achat malgré les aides publiques. En glissement annuel, les prix ont augmenté de 6,4% en juin outre-Rhin.
Il est clair que nous traversons un creux conjoncturel en ce moment.
-Olaf Scholz, chancelier allemand, le 21 juillet
L'investissement productif marque aussi le pas, les entreprises hésitant à engager des dépenses dans un climat économique incertain. Seul le secteur de la construction affiche une meilleure dynamique, soutenu par des besoins toujours importants en logements.
Berlin espère un rebond au second semestre
Face à cette situation, le gouvernement allemand se veut rassurant. Il table sur une reprise progressive de l'activité dans les prochains mois, notamment grâce à la normalisation des chaînes d'approvisionnement et la décrue attendue de l'inflation. Dans ses dernières prévisions, Berlin anticipe une croissance de 0,4% sur l'ensemble de l'année 2024.
Mais de nombreux économistes jugent cet objectif trop optimiste. Beaucoup craignent que l'Allemagne ne soit entrée dans une stagflation, combinant croissance atone et prix élevés. Un scénario qui pourrait peser sur la reprise de toute la zone euro, dont l'Allemagne est le moteur économique.
Quels risques pour la zone euro ?
En effet, les difficultés allemandes font craindre des répercussions sur ses partenaires européens :
- Un tassement des exportations intra-zone, l'Allemagne étant un marché clé pour de nombreux pays.
- Une contagion du pessimisme des entreprises allemandes à leurs homologues européens.
- Un impact sur certaines chaînes de valeur intégrées, comme dans l'automobile ou la chimie.
La BCE, qui a relevé fortement ses taux depuis un an pour contrer l'inflation, suit de près la situation. Tout en réaffirmant sa détermination à juguler les prix, elle pourrait être tentée d'adopter une approche plus prudente dans les mois à venir si la conjoncture économique se dégrade. L'institution de Francfort aura un délicat arbitrage à effectuer entre maîtrise de l'inflation et soutien à l'activité.
La faiblesse allemande pourrait aussi inciter les pays de la zone à accélérer leurs efforts de relance budgétaire au niveau national, tout en renforçant les mécanismes de solidarité européens comme le plan de relance post-Covid. Autant de débats cruciaux pour l'avenir économique de la région et sa capacité à affronter les crises futures.
Ce recul inattendu du PIB allemand au deuxième trimestre rappelle la fragilité de la reprise post-pandémie et les défis qui attendent la première économie européenne. Entre risque de stagflation, demande mondiale en berne et difficultés internes, l'Allemagne devra mobiliser toutes ses forces pour renouer avec une croissance durable et entraîner ses partenaires dans son sillage. Un test majeur pour la solidité du modèle économique allemand et plus largement pour l'avenir de la zone euro.
