Jet Rocket de Sega : Le jeu d’arcade révolutionnaire des années 70
En 1970, Sega a introduit un jeu d'arcade qui allait ouvrir la voie à de nombreux jeux vidéo parmi les plus populaires d'aujourd'hui. Connu sous le nom de Jet Rocket, cette merveille électromécanique se targuait de plusieurs premières mondiales, même si la plupart des gens ignorent aujourd'hui son existence.
Un concept simple et novateur
Le principe de Jet Rocket était simple. Le joueur pilotait un avion de chasse lors d'une mission nocturne, appuyant sur un bouton pour tirer des roquettes sur des cibles militaires passant au sol. Dépôts de carburant, sites de missiles et pistes d'atterrissage figuraient parmi les objectifs. Les tirs réussis, valant 5 points chacun, se signalaient par une explosion lumineuse et sonore.
Tout cela sans ordinateur, ni même d'écran vidéo ! Jet Rocket fut pourtant le premier jeu de simulation de vol, le premier jeu de tir à la première personne, et le premier à proposer une progression dans un monde virtuel (ancêtre du "monde ouvert").
Genèse d'un hit
Sega développa Jet Rocket à la fin des années 60, époque où la société nippo-hawaïenne fournissait des jeux payants aux bases militaires US au Japon. Sorti mondialement en août 1970, il connut vite un grand succès.
Présenté à une expo aux États-Unis la même année, il séduisit des acheteurs potentiels. Hélas pour Sega, trois sociétés de Chicago aimèrent tellement Jet Rocket qu'elles en produisirent aussitôt des copies sans licence :
- Flotilla par Williams
- Target Zero par Bally
- Night Bomber par Chicago Coin Machine Company
Sega s'est dit "on tient un hit". Ils sont repartis en produire à la chaîne. Mais le temps de les fabriquer et de les expédier aux États-Unis, Williams et les autres avaient raflé le marché. Sega avait l'air de faire des copies.
– Rusty Key, collectionneur de Jet Rocket
Les premiers jeux vidéo signèrent la fin de Jet Rocket et de ses clones après quelques années. Sega sortit tout de même en 1977 Heli-Shooter, successeur incluant un microprocesseur mais toujours sans écran.
Dans les entrailles de la machine
Comment Jet Rocket fonctionnait sans écran ni microprocesseur ? Dans son imposant cabinet se trouvait une grande "toile" verticale défilante, sorte de tapis roulant avec une carte en relief du paysage et des cibles. Un miroir incliné à 45° entre le joueur et la toile renvoyait cette dernière à l'horizontale.
Regardant par la fenêtre du cabinet comme à travers la verrière de son jet, le joueur voyait le reflet 3D de la toile dans le miroir. En tournant le manche, il inclinait le miroir pour faire virer l'avion au-dessus du paysage.
Un éclairage UV faisait ressortir les reliefs fluorescents sur fond nocturne. Quand une cible approchait, le joueur devait l'aligner avec son viseur (un point lumineux) et appuyer sur la gâchette du manche pour tirer ses roquettes, visibles sous forme de traînées orangées descendant vers le sol grâce à un réseau de lumières séquentielles dans le cabinet, réfléchies par une vitre.
Touché, coulé !
Si le joueur touchait la cible au bon moment, celle-ci s'illuminait et une explosion retentissait. Mais comment la machine détectait-elle les impacts sans électronique dans la toile ?
En fait, des contacts électriques palpaient le dessous de la toile en défilement. Des carrés de grillage conducteur placés en amont des cibles fermaient le circuit de leur zone d'impact quand le joueur appuyait sur la gâchette pile au bon moment, déclenchant un flash sous la cible, le son, et l'ajout des points.
L'héritage de Jet Rocket
Peu de Jet Rocket fonctionnels subsistent de nos jours. Rusty Key a restauré le sien, acheté 100$, et estime sa valeur à au moins 1000$. Mais son gabarit limite son marché et son entretien requiert un certain savoir-faire.
L'ingéniosité semble être l'apanage d'une ère révolue. Savoir réaliser quelque chose avec des moyens limités est une compétence étalée dans Jet Rocket. Il est toujours aussi captivant aujourd'hui qu'il y a 50 ans.
– Rusty Key, collectionneur passionné
Ce type de prouesse n'a pas disparu pour autant, comme l'illustre le récent jeu unique Dual Coincidence, peut-être le jeu électromécanique le plus complexe jamais créé. L'esprit visionnaire de Sega avec Jet Rocket continue d'inspirer !