Désmicardiser la France : Stratégies et Défis
En janvier dernier, Gabriel Attal a lancé un appel à "désmicardiser la France" devant l'Assemblée Nationale. Un constat alarmant : 17,3% des salariés étaient rémunérés au SMIC début 2023, un record historique. Mais au-delà de leur nombre, c'est surtout la difficulté de progression salariale qui pose problème. Trop de travailleurs se retrouvent coincés dans des "trappes à bas salaires", freinés par les effets de seuil des exonérations de cotisations. Un défi de taille pour le gouvernement, qui souhaite rendre le travail plus rémunérateur.
Des exonérations de cotisations en question
Mises en place dans les années 90 pour favoriser l'emploi des peu qualifiés, les exonérations sur les bas salaires n'ont cessé de s'étendre. D'abord plafonnées à 1,3 SMIC, elles atteignent désormais 3,5 SMIC, englobant 98% des salariés ! Un coût explosif pour les finances publiques : 75 milliards d'euros en 2023. Si elles ont permis de créer des emplois, elles ont aussi favorisé le développement d'emplois à bas salaires, compliquant les progressions de carrière.
Revoir les seuils et la progressivité
Pour sortir de cette ornière, les économistes préconisent de lisser la courbe des exonérations. L'objectif ? La rendre plus progressive entre le SMIC et les salaires plus élevés, en supprimant certains seuils qui pénalisent les hausses. Une piste serait de supprimer les allègements au-delà de 2,5 SMIC. Mais attention à ne pas fragiliser la compétitivité de l'industrie, prévient France Industrie.
Il faut désmicardiser la France.
– Gabriel Attal
Renforcer la formation et les compétences
Pour Alexandre Saubot, président de France Industrie, la solution passe aussi par la montée en compétences. L'industrie recherche des profils qualifiés plus que des bas salaires. Un levier pour tirer les rémunérations vers le haut et réduire la part des smicards. Cela implique de renforcer la formation initiale et continue pour accompagner les mutations des métiers.
Revaloriser les grilles de branches
Autre chantier crucial : la mise à jour des grilles salariales de branches. Sous la pression du gouvernement, de nombreuses branches ont revalorisé leurs minima pour les décaler du SMIC. Un "tassement" démotivant pour les salariés expérimentés se retrouvant au même niveau que les débutants. 12 branches restent encore à la traîne début mai et s'exposent à des sanctions.
Repenser le financement de la protection sociale
Pour financer une plus grande progressivité des exonérations sans plomber les comptes publics, certains appellent à revoir le financement de la protection sociale. Faut-il augmenter la CSG ou remodeler les aides sociales et fiscales ? Des questions complexes qui impliquent de repenser la place du travail dans ce financement. Un vaste chantier qui divise.
Une transition en douceur
Une chose est sûre : la désmicardisation ne se fera pas en un jour. Les économistes Étienne Wasmer et Antoine Bozio, missionnés par le gouvernement, insistent sur la nécessité d'une transition progressive. Pas question de changer les règles du jour au lendemain au risque de déstabiliser entreprises et salariés.
La désmicardisation est un chantier aussi nécessaire que complexe. Il implique de trouver un équilibre délicat entre soutien à l'emploi, gains de pouvoir d'achat, compétitivité des entreprises et maîtrise des dépenses publiques. Un défi de long terme qui appelle une réforme structurelle et concertée. L'enjeu : redonner de la valeur au travail et des perspectives d'évolution à chacun.