Boeing remporte un contrat historique en Pologne
C'est un séisme qui vient de frapper l'industrie aéronautique européenne. Le gouvernement polonais a annoncé mardi avoir signé avec l'américain Boeing un contrat faramineux portant sur l'acquisition de 96 hélicoptères de combat AH-64 Apache pour un montant de 10 milliards de dollars (9 milliards d'euros). Une claque monumentale pour l'européen Airbus Helicopters, une nouvelle fois écarté des programmes militaires polonais.
Boeing décroche le "contrat du siècle" en Pologne
Kathleen Jolivette, patronne de la division hélicoptères de Boeing, a salué "la plus importante commande FMS de l'histoire de Boeing" (ventes militaires à l'étranger). Avec ces 96 Apache, la Pologne deviendra le plus grand opérateur de cet appareil en dehors des États-Unis. Plus de 1290 hélicoptères Apache sont actuellement en service dans le monde.
Lancé fin 2020, cet appel d'offres titanesque mettait initialement en lice Boeing avec son Apache, le Tigre d'Airbus, le Viper de Bell, l'AW249 de l'italien Leonardo et le T129 Atak du turc TAI. Au final, la compétition s'est resserrée entre les deux géants américains, Boeing l'emportant grâce à une machine éprouvée au combat et un soutien politique de Washington.
Pourquoi la Pologne a-t-elle choisi l'Apache ?
Plusieurs facteurs expliquent ce choix stratégique de Varsovie :
- L'expérience opérationnelle inégalée de l'Apache, vétéran de nombreux conflits.
- La volonté polonaise de s'arrimer encore plus à l'allié américain face aux menaces russes.
- Des garanties sur les retombées industrielles, avec des usines Boeing en Pologne.
- La possibilité d'intégrer les Apache dans le système de défense otanien.
Les nouveaux Apache polonais remplaceront une flotte vieillissante d'hélicoptères de conception soviétique. Ils renforceront considérablement les capacités d'attaque et de reconnaissance des forces armées polonaises, alors que le pays partage une frontière directe avec l'Ukraine en guerre et la Russie menaçante.
Un camouflet pour Airbus en Europe de l'Est
Pour Airbus Helicopters, cet échec polonais a un goût amer de déjà vu. En 2016, l'industriel européen avait déjà été choisi puis écarté pour la fourniture de 50 hélicoptères Caracal à l'armée polonaise. Le contrat de 3 milliards d'euros avait été brutalement annulé par le nouveau gouvernement conservateur, privilégiant des groupes ayant des usines sur le sol polonais comme Lockheed Martin et Leonardo.
La Pologne est un marché clé mais compliqué pour nous. Les considérations politiques et industrielles locales pèsent souvent plus que la performance technique dans les décisions.
Un cadre d'Airbus
Ce nouveau revers illustre la difficulté pour un groupe européen de percer en Europe centrale et orientale sur des marchés militaires stratégiques. Malgré des appareils compétitifs comme le Tigre ou le NH90, Airbus peine à rivaliser avec les mastodontes américains adossés à la superpuissance de l'oncle Sam.
La Pologne, pilier oriental de l'Otan
Avec cette méga-commande d'Apache, couplée à l'acquisition récente de 250 chars Abrams, 32 avions F-35 ou encore 48 lanceurs de missiles Patriot, la Pologne confirme sa place de poids lourd militaire sur le flanc est de l'Otan. Traumatisée par son histoire, Varsovie consacre cette année plus de 4% de son PIB à la défense, le double des 2% réclamés par l'Alliance atlantique.
Territoire clé et ligne de front potentielle entre l'Otan et la Russie, la Pologne se pose plus que jamais en rempart face aux visées expansionnistes de Vladimir Poutine. Un rôle crucial qui exige de moderniser en urgence ses capacités militaires avec le meilleur matériel disponible, quitte à privilégier les solutions américaines.
Si le choix polonais est compréhensible voire inéluctable compte tenu de son histoire et sa géographie, il souligne les fragilités d'une Europe de la défense peinant encore à convaincre sur son pré carré. Un défi majeur pour les industriels et dirigeants européens, à l'heure où la guerre est de retour sur le continent.
