L’essor de l’e-commerce en Inde face aux défis du commerce traditionnel
En Inde, le pays des épices et des saris colorés, une révolution silencieuse est en marche. Tandis que les échoppes traditionnelles continuent d'animer les rues poussiéreuses, un nouveau joueur bouscule les codes du commerce : l'e-commerce. Porté par des géants comme Amazon et Flipkart, ce secteur connaît une croissance fulgurante avec un rythme de 11 à 12% par an. Un succès qui ne laisse pas indifférent le gouvernement indien.
L'e-commerce, un géant aux pieds d'argile ?
Alors que le marché du retail pèse plus de 1000 milliards de dollars en Inde, les ventes en ligne ne représentent encore qu'une goutte d'eau avec 80 milliards de dollars l'an dernier selon HSBC. Pourtant, le rythme s'accélère, dopé par le quick commerce, ces startups qui promettent une livraison en 10 minutes. BlinkIt, Swiggy Instamart ou Zepto pourraient générer plus de 4,5 milliards de dollars de ventes cette année, soit une croissance de plus de 100% sur un an !
Une évolution fulgurante qui inquiète Piyush Goyal, le ministre du Commerce indien :
Allons-nous causer une énorme perturbation sociale avec cette croissance massive de l'e-commerce ? Je ne considère pas comme une fierté le fait que la moitié de notre marché puisse faire partie du réseau de commerce électronique d'ici 10 ans. C'est une source d'inquiétude.
– Piyush Goyal, ministre du Commerce indien
Des pratiques commerciales remises en question
Selon le ministre, les e-commerçants s'attaquent aux produits à forte marge sur lesquels les petits détaillants comptent pour leur survie. Il dénonce notamment les stratégies de prix des grands acteurs, s'interrogeant sur leurs pertes déclarées :
Un investissement majeur d'Amazon en Inde est célébré, mais les gens oublient l'histoire qui se cache derrière : ce milliard de dollars ne vient pas pour un grand service ou un investissement pour soutenir l'économie indienne. Ils ont fait une perte d'un milliard de dollars dans leur bilan cette année-là, ils devaient combler cette perte... Si vous faites une perte de 6 000 crores de roupies par an, cela ne ressemble-t-il pas à une tarification prédatrice pour vous ?
– Piyush Goyal, ministre du Commerce indien
Un cadre réglementaire encore flou
La législation indienne exige qu'Amazon, Flipkart et les autres acteurs de l'e-commerce opèrent comme de purs marketplaces dans le pays. Ils ne peuvent pas posséder les stocks qu'ils vendent, une leçon qu'ils ont apprise à la dure. Pourtant, la réalité semble bien différente comme le souligne Piyush Goyal :
Ils sont après tout une plateforme de commerce électronique, ils n'ont pas le droit de faire du B2C, légalement... Cependant, la réalité est que vous achetez tous sur ces plateformes, comment font-ils cela ? Ne devrait-ce pas être une source de préoccupation pour nous ?
– Piyush Goyal, ministre du Commerce indien
L'e-commerce, un mal nécessaire ?
Malgré ses critiques, le ministre ne rejette pas totalement le e-commerce :
Je ne nie pas que le commerce électronique a un rôle à jouer, mais nous devons réfléchir très attentivement à ce rôle.
– Piyush Goyal, ministre du Commerce indien
Pour trouver le juste équilibre, l'Inde devra trancher entre :
- Soutenir le e-commerce pour dynamiser son économie et offrir plus de choix aux consommateurs
- Protéger son riche tissu de petits commerces qui font vivre des millions de familles
- Attirer les investissements étrangers tout en imposant un cadre réglementaire clair et équitable
Un véritable numéro d'équilibriste qui pourrait bien déterminer le visage du commerce indien pour les décennies à venir. L'e-commerce est-il l'allié ou l'ennemi du commerce traditionnel ? Le débat ne fait que commencer en Inde mais il sera scruté dans le monde entier tant les enjeux sont immenses. Une chose est sûre, entre modernité et tradition, le sous-continent devra trouver sa propre voie.
