Shein et Temu : Géants de la fast fashion en guerre juridique

Depuis maintenant deux ans, les géants chinois de la fast fashion Shein et Temu se livrent une guerre sans merci devant les tribunaux. Cette industrie de la mode discount, qui produit rapidement des vêtements inspirés des dernières tendances à prix cassés, est un business hautement lucratif. Et les deux leaders du secteur sont prêts à tout pour dominer le marché, quitte à en découdre en justice.

Shein contre-attaque avec une plainte explosive

Le 19 août dernier, Shein a déposé une plainte retentissante à Washington DC contre son rival Temu. Le roi de la fast fashion accuse sans détour la marketplace de s'être bâtie sur "la vente de contrefaçons, le vol de secrets industriels, la violation de propriété intellectuelle et la fraude". Des allégations choc qui marquent une nouvelle escalade dans ce conflit entre les deux mastodontes chinois de l'e-commerce.

Shein avance également l'argument que Temu ne serait pas une vraie marketplace indépendante. La firme contrôlerait en réalité directement les produits proposés par les vendeurs et fixerait les prix, remettant en cause son statut revendiqué de simple intermédiaire.

Temu avait ouvert les hostilités dès 2022

Cette plainte de Shein n'est que la dernière salve d'un affrontement juridique au long cours. Temu avait dégainé le premier en 2022, dénonçant des pratiques anticoncurrentielles de la part de son rival. Shein aurait fait pression sur les fabricants chinois pour leur interdire de travailler avec Temu.

Une accusation crédible quand on sait que les deux entreprises fonctionnaient au départ sur le même modèle : revendre en Occident les produits de petits fabricants chinois. Mais Shein a depuis développé sa propre chaîne logistique pour devenir un véritable retailer, une montée en puissance marquée par une quête de respectabilité avant une potentielle entrée en Bourse aux États-Unis.

L'envers peu reluisant du décor de la fast fashion

Derrière la guerre que se mènent Shein et Temu, c'est tout le système de la fast fashion et ses conséquences désastreuses qui apparaît au grand jour. Bien qu'ultra populaire chez les jeunes attirés par les prix imbattables, ce business model est de plus en plus décrié :

• Production massive de vêtements de mauvaise qualité jetables, générant des tonnes de déchets
• Conditions de travail déplorables dans les usines, contournement des lois sociales
• Bilan carbone calamiteux entre production et transport de masse

Symbole de cette hypocrisie, Shein dénonce Temu pour violation de propriété intellectuelle alors que de nombreuses marques comme Levi's ou Zara l'attaquent pour les mêmes motifs. Une ironie qui n'échappe à personne.

Bataille sur le marché américain, restrictions en Europe

Si les deux rivaux s'écharpent principalement pour le juteux marché nord-américain, ils font face à un cadre légal plus strict en Europe avec le Digital Services Act. Shein comme Temu sont désormais considérés comme des "très grandes plateformes" soumises à des obligations renforcées.

La mode ultra rapide et pas chère a un coût social et environnemental que les consommateurs commencent à ne plus vouloir payer.

Marc, consultant mode et retail

Reste à savoir si ce durcissement réglementaire et la prise de conscience des dérives de la fast fashion suffiront à enrayer la success story de Shein et Temu. Une chose est sûre, la guerre que se livrent les deux géants chinois est loin d'être finie. Et elle pourrait faire d'autres victimes collatérales que leurs propres réputations : les petites mains de leurs usines et l'environnement.