Des robots biohybrides pilotés par des champignons
Et si les meilleurs pilotes pour nos véhicules autonomes étaient en fait... des champignons ? C'est ce que laisse entrevoir une récente découverte de l'Université Cornell, où des scientifiques ont mis au point des robots biohybrides innovants dont les mouvements sont contrôlés par des signaux électriques émis naturellement par des organismes fongiques.
La nature comme source d'inspiration robotique
Plutôt que de réinventer la roue, les chercheurs en robotique se tournent de plus en plus vers la nature pour trouver des solutions ingénieuses développées au fil de milliards d'années d'évolution. On a ainsi vu émerger des robots dotés d'oreilles ultra-sensibles de sauterelles, des poissons robots propulsés par des cellules cardiaques humaines, ou encore des robots rampants actionnés par des muscles de limaces de mer.
L'équipe de Cornell innove en exploitant cette fois le monde fongique. Les champignons perçoivent leur environnement et communiquent via des signaux électriques transmis dans leur réseau de filaments, appelé mycélium. L'idée a donc été de faire pousser ce mycélium directement dans l'électronique d'un robot, pour capter ces signaux naturels et les utiliser comme commandes de mouvement.
Une interface champignon-machine sur mesure
Pour y parvenir, les scientifiques ont développé une interface électrique spécifique capable d'enregistrer avec précision l'activité électrophysiologique du mycélium, de la traiter et de la convertir en signal numérique compréhensible par le robot. Transmis aux actionneurs, ces signaux fongiques déclenchent les mouvements de la machine en réponse à des changements comme la lumière, perçus par le champignon.
Les systèmes vivants excellent naturellement à réagir à de multiples stimuli comme la lumière, la chaleur ou la pression, là où des capteurs synthétiques spécialisés seraient nécessaires.
Rob Shepherd, auteur principal de l'étude
Robots à pattes souples et à roues
Deux versions de ces robots biohybrides ont été construites : un modèle à roues relativement simple, et un autre en forme d'araignée avec des pattes souples. Dans les deux cas, une boîte de Petri contenant le champignon est placée au sommet, d'où il peut réagir à son environnement puis transmettre des signaux aux pattes ou roues pour initier le déplacement du robot.
Trois expériences ont permis de valider le concept :
- Les robots se sont déplacés en suivant les pics de signaux naturels continus émis par le mycélium.
- En éclairant le champignon avec une lumière ultraviolette, les scientifiques ont pu modifier son schéma de déplacement.
- L'équipe a aussi démontré sa capacité à outrepasser le signal fongique pour reprendre un contrôle manuel du robot si besoin.
Vers des robots sensibles à leur environnement
Si la lumière était le seul stimulus testé ici, les chercheurs estiment que les versions futures pourraient intégrer de multiples entrées, comme des signatures chimiques. À terme, de tels robots pourraient par exemple détecter la composition des sols pour déterminer quand ajouter de l'engrais, limitant ainsi les effets néfastes d'un excès comme les algues toxiques en aval.
Publié dans Science Robotics, ce travail ouvre la voie à une nouvelle génération de machines capables de capter des signaux environnementaux complexes grâce à des composants fongiques. Le monde des champignons pourrait bien détenir les clés pour améliorer l'autonomie de nos robots de demain, sur terre comme sous l'eau.