Une stratégie IA canadienne en évolution avec Elissa Strome
Saviez-vous qu'au cours de la dernière décennie, le gouvernement fédéral a engagé plus d'un demi-milliard de dollars dans une stratégie nationale d'IA ? Si le nom de la Stratégie pancanadienne en matière d'intelligence artificielle ne vous dit peut-être rien, vous connaissez sûrement ses réalisations : les instituts nationaux d'IA Amii, Mila et Vector Institute, ainsi que les travaux de commercialisation de l'IA via les Supergrappes d'innovation.
Lors de la récente conférence ALL IN à Montréal, co-organisée par Mila et la supergrappe Scale AI, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec Elissa Strome, directrice générale de l'Institut canadien de recherches avancées (CIFAR) et véritable architecte de cette stratégie. Mme Strome a eu la gentillesse de me parler de la longue histoire du CIFAR dans ce domaine (son premier programme de recherche sur l'IA remonte à 1983 !) et de l'évolution des motivations derrière les deux phases de la stratégie.
Bilan de la phase 2 et perspectives pour la suite
La phase 2 et son avenir étaient sur toutes les lèvres lors de la conférence ALL IN. Valérie Pisano, PDG de Mila, et Garth Gibson, PDG du Vector Institute, ont spéculé sur scène sur ce à quoi pourrait ressembler la phase 3. De son côté, Elissa Strome estime que le CIFAR a «atteint ses objectifs» pour la phase 2. Elle m'a ouvert son carnet de souhaits pour la phase 3 :
- Poursuivre les «investissements profonds» dans «le cœur de la recherche et des talents»
- Cibler les lacunes et les opportunités pour assurer le succès et la compétitivité de l'écosystème IA canadien
Avec un milliard de dollars, on pourrait faire beaucoup de choses !
– Elissa Strome, CIFAR
Des défis de taille à relever
Revenons un instant sur la phase 2. Lors de mon panel à ALL IN, les startups IA présentes ont soulevé des problèmes quant à l'état de la commercialisation de l'IA au pays, ainsi qu'en matière d'approvisionnement et d'investissement. Certes, le fédéral engage 2,4 milliards $, mais Microsoft, Meta, Amazon et Alphabet ont dépensé à eux seuls 104 milliards $ US en dépenses d'investissement au S1 2024, principalement dans les infrastructures d'IA. L'écart est colossal.
Il y a aussi le projet de loi C-27 et sa Loi sur l'intelligence artificielle et les données (LIDA), qui ne fait pas techniquement partie de la stratégie IA mais a été annoncée avec la phase 2 en juin 2022. Deux ans plus tard, aucune trace de la LIDA, et les intervenants d'ALL IN, de Yoshua Bengio à l'ex-procureur général David Lametti, ne misent pas gros sur sa réapparition.
Bref, si le Canada a été l'un des premiers à établir une stratégie nationale d'IA, il se retrouve à nouveau à la traîne en matière de réglementation, de commercialisation et de capitalisation. La phase 3 devra tenir compte des éléments que la phase 2 n'a pas su livrer ou a ignorés car ils n'existaient pas encore, tout en anticipant ce qui n'existe pas actuellement dans un environnement mondial hyper compétitif. Tout un défi !
Elissa Strome relève le gant
Bien sûr, une grande partie de ces enjeux dépasse largement le mandat du CIFAR, et les écarts entre stratégie, politique et exécution sont à la fois importants et difficiles à combler. Mais Elissa Strome réfléchit clairement à tout cela et était disposée à en discuter en détail avec moi.
Alors, qu'y a-t-il dans le calepin d'Elissa Strome et cela peut-il résoudre l'avenir de l'IA alors même que cet avenir s'écrit en temps réel ? Une chose est sûre, le CIFAR entend bien rester au cœur de la recherche et du développement de l'IA au Canada, en soutenant les talents de pointe tout en aidant à bâtir un écosystème fort et compétitif sur la scène internationale. Un vaste programme, certes, mais qui semble à la hauteur des ambitions et de l'expertise unique de cet organisme. Vivement la suite !
