Le Luxe Européen Face à la Baisse de Croissance en Chine
L'industrie européenne du luxe traverse une zone de turbulences. Les dernières prévisions des analystes de BofA Global ont fait l'effet d'une douche froide, entrainant un recul des principales valeurs du secteur en Bourse. Au cœur des inquiétudes, le ralentissement de la croissance en Chine, jusqu'ici moteur essentiel des ventes. Quelles sont les perspectives pour les géants européens comme LVMH, Kering ou Richemont ? Décryptage d'une situation préoccupante, mais pas forcément sans issue pour des acteurs habitués à surmonter les crises.
La Chine, talon d'Achille du luxe européen ?
Depuis des années, la croissance du marché du luxe repose en grande partie sur l'appétit des consommateurs chinois. Mais cette manne semble aujourd'hui se tarir. BofA Global table désormais sur une baisse de 1% des dépenses chinoises dans le luxe au second semestre 2024, et une stagnation en 2025. Un coup dur pour des marques ultra-dépendantes de l'Empire du Milieu :
Nous prévoyons que les dépenses chinoises dans le secteur du luxe diminueront de 1% au deuxième semestre 24 et resteront stables en 2025, mais le risque est toujours orienté à la baisse compte tenu de la détérioration progressive de ces derniers temps.
– Analystes de BofA Global
Face à cette nouvelle donne, la banque américaine n'hésite pas à revoir ses recommandations à la baisse. Kering et LVMH passent de "acheter" à "neutre", tandis que Hugo Boss dégringole à "sous-performance". L'ensemble du secteur trinque en Bourse, de Richemont à Hermès en passant par Burberry.
Les raisons d'un essoufflement
Comment expliquer ce coup de mou du marché chinois ? Selon BofA, le consommateur de produits de luxe n'aurait tout simplement « plus rien à acheter ». Après des années de croissance effrénée, le phénomène de rattrapage s'essouffle. S'ajoutent à cela les conséquences persistantes de la politique "zéro-Covid", qui a durablement affecté la confiance des ménages et leur pouvoir d'achat.
La clientèle chinoise, ultra-sophistiquée, se montre aussi de plus en plus sélective et exigeante. La course effrénée aux logos ne suffit plus. Pour continuer à séduire, les marques doivent en permanence se renouveler et proposer des expériences inédites, mixant héritage et innovation.
L'espoir américain et moyen-oriental
Pour compenser le trou d'air chinois, le luxe européen peut heureusement compter sur d'autres relais de croissance. Au premier rang, les États-Unis, où le pouvoir d'achat des consommateurs reste solide malgré l'inflation. BofA estime qu'en 2025, les clients américains représenteront plus de 50% de la croissance du secteur. Le Moyen-Orient et ses fortunés acheteurs apparaît comme l'autre grande zone d'opportunités.
- États-Unis : les clients américains moteurs de la croissance
- Moyen-Orient : zone d'opportunités avec de fortunés acheteurs
- Japon : croissance de 5% attendue en 2025
Pour autant, les grandes maisons européennes ne peuvent pas faire l'impasse sur la Chine, qui reste un marché stratégique à long terme. L'enjeu est de réinventer leur proposition de valeur et leur storytelling pour reconquérir une clientèle plus volatilisée. Des initiatives comme la récente nomination de la star sino-canadienne Kris Wu comme ambassadeur de Louis Vuitton montrent que les marques tentent de renouer le dialogue.
Un secteur résilient mais sous pression
Malgré ces vents contraires, il serait prématuré d'enterrer l'industrie européenne du luxe. Ses principaux acteurs ont déjà traversé de nombreuses crises et fait preuve d'une résilience à toute épreuve. Leur solidité financière, la force de leurs marques et leur capacité d'adaptation sont autant d'atouts dans la tempête.
Pour autant, la pression s'accentue. Avec un ralentissement de la croissance des revenus anticipé dans les trois principales zones que sont les États-Unis, l'Union européenne et la Chine, les géants du luxe doivent impérativement trouver de nouveaux leviers. L'expansion vers de nouveaux marchés comme l'Afrique ou l'Asie du Sud-Est, l'accélération dans le e-commerce et le renforcement de leur engagement RSE apparaissent comme des pistes prometteuses.
Cette période de turbulences pourrait aussi accélérer le mouvement de consolidation du secteur, avec des rapprochements entre des acteurs fragilisés et des mastodontes en quête de relais de croissance externe. Si la route s'annonce semée d'embûches, le luxe européen a plus d'un tour dans son sac pour rebondir et réinventer son modèle. À condition d'accepter de profondément se transformer.