Sauvetage d’Atos : restructuration de dette et nationalisation partielle
Le géant français des services informatiques Atos vient de vivre un épisode crucial de son histoire. Lourdement endetté et au bord du gouffre, le groupe a finalement échappé au naufrage grâce à un plan de sauvetage complexe, impliquant ses créanciers, l'État français et Thales. Décryptage d'une opération hors norme pour assurer la pérennité d'un acteur stratégique du numérique.
Un endettement abyssal menaçant la survie d'Atos
Fin septembre 2024, la situation d'Atos semblait désespérée. Croulant sous une dette colossale de 4,8 milliards d'euros, le groupe enchaînait les pertes vertigineuses, avec près de 2 milliards d'euros sur les six premiers mois de l'année. Sa survie était clairement en jeu, et les offres de reprise formulées par des investisseurs comme Daniel Kretinsky ou David Layani n'ont pas abouti, faute d'accord avec les créanciers.
Les créanciers prennent le contrôle
Face à l'impasse, les banques et fonds prêteurs d'Atos ont pris les commandes pour monter un plan de sauvegarde accéléré. Approuvé le 27 septembre par les actionnaires, il se traduit par une spectaculaire restructuration de dette :
- Abandon de 3,1 milliards d'euros de créances, converties en actions
- Nouvelle augmentation de capital de 233 millions d'euros
- Nouveaux prêts des créanciers pouvant atteindre 1,675 milliard d'euros pour financer la relance
À l'arrivée, les créanciers détiendront entre 74 et 99% du capital d'Atos. Un bouleversement majeur de l'actionnariat, jugé incontournable pour sauver l'entreprise et assurer son redressement, malgré l'incertitude.
L'État reprend les activités critiques avec Thales
Autre volet décisif du sauvetage d'Atos : la reprise de ses activités jugées stratégiques par l'État français, avec l'appui de Thales. Cette opération, chiffrée à 700 millions d'euros, doit permettre de sécuriser des actifs et savoir-faire critiques :
- Supercalculateurs pour la simulation d'essais nucléaires ou la gestion des centrales
- Systèmes de communications militaires (Rafale...)
- Cybersécurité
Cette « nationalisation » ciblée illustre l'enjeu de souveraineté que revêtent certaines activités d'Atos. Elle offre une bouffée d'oxygène financière mais également une garantie sur l'avenir de ces domaines sensibles.
Un avenir encore incertain
Si le pire semble évité pour Atos, le futur du groupe n'en reste pas moins incertain. Sa survie dépendra de la réussite de son redressement opérationnel, loin d'être acquise au vu de l'ampleur de ses difficultés. Mais ce sauvetage in extremis ouvre la voie à un renouveau, en clarifiant la structure actionnariale et en sécurisant les activités cœur.
La route est encore longue et semée d'embûches pour Atos. Mais ce plan de sauvetage lui donne une chance de se réinventer, en s'appuyant sur ses forces et en tournant la page de ses errements passés.
– Un expert du secteur IT
Cas d'école de restructuration d'entreprise en difficulté, l'épisode Atos restera dans les annales. Il démontre la nécessité d'une action coordonnée des parties prenantes (créanciers, État, partenaires industriels) pour éviter un désastre industriel et social. Et prouve que même les géants du numérique ne sont pas à l'abri de dérives menaçant leur pérennité.