Anduril, le géant de la tech militaire fondé par Palmer Luckey
Imaginez une entreprise qui aspire à révolutionner la guerre grâce à l'intelligence artificielle et aux armes autonomes. Bienvenue dans l'univers d'Anduril, la start-up de défense fondée par Palmer Luckey, créateur du casque de réalité virtuelle Oculus. Avec une valorisation de 14 milliards de dollars, Anduril est en passe de devenir un acteur majeur de l'industrie militaire. Mais sa vision controversée soulève de nombreuses questions éthiques.
Palmer Luckey, un entrepreneur visionnaire et provocateur
Âgé de seulement 31 ans, Palmer Luckey est un personnage haut en couleur. Adepte des chemises hawaïennes et des longs cheveux, il n'hésite pas à tenir des propos chocs. Lors d'une récente conférence à l'université Pepperdine, il a affirmé que chaque pays avait besoin d'une "classe de guerriers enthousiastes à l'idée d'exercer la violence sur les autres dans la poursuite de buts louables". Une vision qui en dit long sur sa philosophie.
De la réalité virtuelle à la défense
Avant de fonder Anduril en 2017, Palmer Luckey s'était fait connaître avec Oculus, sa société de réalité virtuelle rachetée par Facebook pour 2 milliards de dollars en 2014. Mais il avait dû quitter Facebook en 2016 suite à une polémique liée à son soutien à Donald Trump. Avec Anduril, il se lance dans un secteur encore plus sensible : celui de la défense.
L'intelligence artificielle au cœur de la stratégie d'Anduril
Anduril mise sur l'IA pour développer des technologies militaires de pointe. Son produit phare est le drone Interceptor, capable de traquer et détruire d'autres drones de manière autonome. L'entreprise travaille aussi sur des systèmes de surveillance des frontières et des outils d'analyse de données pour le renseignement. Son ambition ? Devenir le "Google de la défense".
"Les robots ne devraient jamais pouvoir décider qui vit ou qui meurt" ? Quel est l'avantage moral d'une mine qui ne fait pas la différence entre un bus scolaire rempli d'enfants et un tank russe ?
– Palmer Luckey, sur les armes autonomes
Des contrats juteux avec le Pentagone
Le modèle économique d'Anduril repose sur les contrats avec le gouvernement américain. L'entreprise a déjà signé pour plusieurs centaines de millions de dollars de commandes avec différentes branches de l'armée. Et elle ne compte pas s'arrêter là. Palmer Luckey envisage même une introduction en bourse pour lever encore plus de fonds et décrocher des contrats encore plus importants.
Une implication controversée dans la guerre en Ukraine
Anduril s'est aussi illustrée dans le conflit ukrainien. Dès la 2ème semaine de l'invasion russe, l'entreprise a fourni des armes à l'Ukraine. Palmer Luckey assure que cette aide aurait pu "faire une grande différence" si elle était intervenue plus tôt, avant que l'aviation et l'artillerie de précision ukrainiennes ne soient anéanties. Un argument qui pose question au regard du droit international.
Les dangers des armes autonomes
Au-delà du cas Anduril, le développement des armes autonomes suscite de vives inquiétudes. De nombreux experts mettent en garde contre les risques de perte de contrôle, de course à l'armement et de déshumanisation des conflits. Des voix s'élèvent pour réclamer l'interdiction de ces "robots tueurs", comme l'a fait la Campagne contre les Armes Explosives (CCAE) dans cet appel :
Nous appelons tous les États à œuvrer de toute urgence à la négociation d'un instrument international juridiquement contraignant - avec des règles, des interdictions et des restrictions fortes et efficaces - afin de prévenir le développement, la production et l'utilisation d'armes complètement autonomes.
– Campagne contre les Armes Explosives (CCAE)
Quelle régulation pour les technologies militaires ?
Face à des entreprises comme Anduril, prêtes à repousser les limites éthiques au nom du progrès technologique et de la suprématie militaire, la question de la régulation se pose avec acuité. Comment encadrer le développement et l'usage de l'intelligence artificielle dans le domaine de la défense ? Quelles garanties mettre en place pour préserver le contrôle humain et le respect du droit international humanitaire ? Autant de défis cruciaux pour l'avenir, qui nécessiteront une coopération internationale renforcée.
L'essor d'Anduril illustre parfaitement les enjeux complexes soulevés par la "nouvelle course aux armements" à l'ère de l'IA. Si les promesses technologiques sont immenses, les risques éthiques le sont tout autant. Il est urgent d'ouvrir un débat démocratique sur ces questions, afin de définir collectivement quelles limites nous voulons fixer aux innovations militaires. L'avenir de la guerre et de la paix en dépend.