Duralex : la relance d’un fleuron du Made in France
Au cœur du Loiret, sur les rives de la Loire, se joue l'avenir d'une entreprise emblématique du patrimoine industriel français. Duralex, célèbre pour ses verres incassables présents dans de nombreux foyers, écoles et cantines, revit grâce à l'engagement de ses salariés. Menacée de fermeture après de multiples difficultés, la verrerie a été reprise par une Scop constituée de 150 des 226 employés et de l'ancien directeur du site. Une renaissance sous le signe du made in France et de l'économie sociale et solidaire.
Une reprise sous forme de Scop pour sauver l'entreprise
Fondée en 1945 et propriété du groupe Saint-Gobain jusqu'en 1997, Duralex a traversé de nombreuses turbulences ces dernières décennies, avec plusieurs dépôts de bilan et des repreneurs plus ou moins scrupuleux. Dernier épisode en date, la flambée des prix du gaz liée à la guerre en Ukraine qui fait passer la facture énergétique de 3 à 10 millions d'euros, précipitant l'entreprise en redressement judiciaire en avril 2024.
Mais les salariés et leur directeur François Marciano ne se résignent pas. Ils présentent un projet de reprise en Scop qui est retenu par le tribunal de commerce d'Orléans fin juillet. La nouvelle entité, qui conserve la totalité des emplois, bénéficie du soutien appuyé des pouvoirs publics, la Région doublant l'apport des salariés au capital et accordant des prêts et garanties, tandis que la métropole d'Orléans rachète les terrains et bâtiments.
Un outil industriel à moderniser pour assurer la pérennité
Si la mobilisation des salariés et des collectivités a permis de sauver Duralex, les défis restent nombreux pour relancer durablement l'activité. « Il faut pouvoir régler la quantité d'oxygène d'une flamme », explique Nicolas Rouffet, l'ancien directeur industriel qui soutient la Scop. Le remplacement du four, qui arrive en fin de vie, est un enjeu majeur et coûteux.
Pour y faire face, la nouvelle équipe dirigeante mise sur une maîtrise des coûts, un four hybride biogaz pour réduire la facture énergétique et une relance des investissements commerciaux et marketing, avec de nouveaux modèles pour la première fois depuis 1997. Des partenariats avec des marques iconiques comme Le Slip Français sont aussi à l'étude.
Un ancrage territorial et des emplois préservés
Au-delà de l'entreprise elle-même, c'est tout un territoire et son histoire industrielle qui bénéficient de ce sauvetage. Avec la conserverie voisine d'Aucy, Duralex est le dernier grand employeur industriel de la petite ville de La Chapelle-Saint-Mesmin, qui s'est construite autour de l'usine et de ses ouvriers.
Si la ville est ce qu'elle est, c'est grâce à Duralex. C'est pour ses ouvriers qu'ont été construits les écoles, l'espace culturel… Tous les habitants connaissent quelqu'un qui travaille ou a travaillé chez Duralex.
Valérie Barthe Cheneau, maire de La Chapelle-Saint-Mesmin
Malgré une lente désindustrialisation, symbolisée par la fermeture de l'usine Michelin voisine en 1991, la reprise de Duralex en Scop laisse entrevoir un nouvel avenir pour ce bassin d'emploi. Les collectivités espèrent aussi profiter de cette relance pour développer l'attractivité touristique du site, entre Loire à Vélo et réserve naturelle.
Un modèle d'entreprise plus démocratique et résilient ?
Le sauvetage de Duralex illustre la capacité des salariés à se mobiliser pour préserver leur outil de travail et un savoir-faire menacés. Il témoigne aussi de la pertinence du modèle coopératif Scop dans des contextes de transmission d'entreprise, permettant d'ancrer l'activité dans les territoires.
Une meilleure association des salariés aux décisions stratégiques apparaît comme un facteur de résilience pour traverser les crises. Reste à prouver qu'au-delà du sauvetage à court terme, la Scop saura trouver un nouveau souffle entrepreneurial et industriel pour projeter ce fleuron tricolore dans la durée, sans perdre son ADN.
L'histoire de Duralex nous rappelle que derrière les success-stories et les produits iconiques, il y a des femmes et des hommes attachés à leur métier et à leur territoire. Et que l'industrie a encore de l'avenir en France, pour peu qu'on lui en donne les moyens.