FreshBooks en difficulté : la lutte acharnée vers la rentabilité
FreshBooks, le fleuron canadien des logiciels de comptabilité pour PME, traverse une période tumultueuse. Depuis septembre 2022, la scale-up multiplie les tours de montagnes russes entre roulement de cadres, réductions d'effectifs et fermetures de bureaux. Un parcours chaotique motivé par une quête vitale : atteindre enfin la rentabilité.
Des ambitions de croissance mondiale contrariées
Tout avait pourtant bien commencé. Début 2021, le fondateur Mike McDerment cédait les rênes à Don Epperson, un dirigeant réputé pour ses talents de développeur à l'international. L'objectif affiché était clair :
Les 5 prochaines années seront consacrées à un déploiement mondial. Selon moi, les forces de Don sont mieux adaptées pour mener cette nouvelle phase.
– Mike McDerment, fondateur de FreshBooks
Huit mois plus tard, FreshBooks levait 163 millions CAD, atteignant le statut de licorne. Jeff Fagnan, de la société Accomplice qui menait le tour de table, voyait même le potentiel d'en faire une entreprise de 10 à 20 milliards de dollars. Pourtant, les plans ont déraillé.
Expansion internationale : un coûteux retour en arrière
Malgré une ligne de crédit de 100 millions CAD obtenue auprès de J.P. Morgan, la stratégie d'expansion mondiale s'est heurtée à de sérieux écueils. Face à une féroce compétition sur les marchés étrangers, le logiciel à bas coût de FreshBooks peinait à s'imposer, trop cher pour les TPE mais pas assez robuste pour les grandes PME.
Le modèle de vente, inadapté à la clientèle cible des petites entreprises, n'a fait qu'aggraver la situation. Résultat, après des années d'efforts, FreshBooks a dû se résoudre à faire marche arrière fin 2023, se recentrant sur l'Amérique du Nord et sabrant dans ses équipes de vente à l'international.
Valse des dirigeants et réductions d'effectifs à répétition
Ce revirement stratégique s'est accompagné d'une véritable valse des dirigeants chez FreshBooks. Depuis septembre 2022, pas moins de 9 hauts responsables ont quitté le navire, dont le CEO Don Epperson lui-même, remplacé en novembre 2023 par un duo de directeurs par intérim.
En parallèle, 6 vagues de licenciements ont touché l'entreprise en moins de 2 ans. De 800 employés début 2023, FreshBooks serait passé sous la barre des 550, soit près d'un tiers de l'effectif évaporé. Des bureaux ont été fermés, comme celui de San Antonio dédié aux ventes.
Changement de paradigme : cap sur la rentabilité à tout prix
Derrière ces bouleversements, un seul mot d'ordre : la rentabilité. C'est le message martelé par Mara Reiff, directrice des données propulsée CEO par intérim. Selon elle, il est temps de "passer d'une approche prudente et pleine d'espoir à une démarche audacieuse et pragmatique". Traduction : FreshBooks doit vivre selon ses moyens et générer des profits, quitte à sabrer dans les coûts.
Un changement de paradigme qui soulève des questions. Certains y voient un "exercice de vanité" visant à enjoliver les chiffres avant une introduction en bourse ou une vente. D'autres pointent la pression des investisseurs exigeant un retour sur investissement. Une chose est sûre : le logiciel à bas coût de FreshBooks, avec son modèle à fort taux d'attrition, aura du mal à dégager de fortes marges.
Dans ce contexte difficile, la quête de rentabilité de FreshBooks ressemble plus à une lutte pour la survie qu'à une success story. Un symbole des défis auxquels font face nombre de scale-up prises en tenaille entre croissance et profitabilité. L'avenir nous dira si ce pari risqué sera payant.