Incertitudes sur l’avenir de 23andMe et de nos données génétiques
Nos données ADN sont-elles en sécurité ? C'est la question qui brûle les lèvres alors que le mastodonte des tests génétiques 23andMe traverse une passe difficile. Une cyberattaque massive en 2023, une chute vertigineuse en bourse, des velléités de revente... Les nuages s'accumulent au-dessus de la biotech californienne. Et avec eux, les craintes sur le devenir des précieuses données génétiques de ses quelque 15 millions de clients.
23andMe, de la Silicon Valley aux labos
Fondée en 2006 par Anne Wojcicki, l'ex-épouse du cofondateur de Google Sergey Brin, 23andMe a révolutionné l'accès grand public aux tests ADN. Son concept : un kit à domicile permettant d'envoyer un échantillon de salive au labo, et de recevoir en retour une analyse de ses origines ethniques et de certaines prédispositions génétiques. Une success-story typique de la Silicon Valley, qui a conquis des millions d'utilisateurs rêvant d'en savoir plus sur leur patrimoine génétique.
Mais depuis son entrée en bourse en 2021 à une valorisation record de 6 milliards de dollars, l'étoile de 23andMe a singulièrement pâli. Faute de renouveler sa clientèle au-delà du kit de test initial, la biotech peine à dégager des profits. Sa capitalisation boursière a fondu de plus de 99%, la renvoyant à sa valeur d'il y a 15 ans. Un véritable crash.
Piratage massif des données en 2023
Pour ne rien arranger, 23andMe a été victime d'une cyberattaque d'envergure en 2023. Durant des mois, des pirates ont siphonné les données génétiques de près de 7 millions d'utilisateurs, y compris leurs rapports sur leurs ascendances et prédispositions génétiques. Un camouflet pour l'entreprise, qui a dû verser 30 millions de dollars pour solder un recours collectif de clients lésés. De quoi sérieusement écorner la confiance.
Revente envisagée puis démentie
La goutte d'eau ? En septembre 2024, Anne Wojcicki a évoqué publiquement la possibilité d'une « reprise par un tiers » de 23andMe, avant de se rétracter en parlant plutôt d'un retrait de la cote. Trop tard : tous les administrateurs indépendants ont démissionné sur le champ, laissant planer le doute sur l'avenir de l'entreprise. Et de nos données.
Quelle protection pour nos données ADN ?
Car le sort de ces millions de profils génétiques est une vraie source d'inquiétude. Contrairement aux dossiers médicaux, les données collectées par 23andMe ne sont pas protégées par les lois sur la confidentialité comme HIPAA. Elles ne sont régies que par la politique de confidentialité de l'entreprise. Or, en cas de vente ou de faillite, il est légalement possible de céder ces données à des tiers.
Certes, 23andMe assure qu'elle ne modifierait pas sa politique en cas de vente. Mais un repreneur pourrait avoir une toute autre vision de la valorisation de ce trésor de guerre génétique. Les forces de l'ordre, par exemple, lorgnent de plus en plus sur les bases de données ADN privées pour aider leurs enquêtes. Pour l'instant, 23andMe affirme avoir résisté à toutes leurs demandes.
Les clients de 23andMe devraient demander dès maintenant la suppression de leurs données, avant qu'elles ne soient revendues.
– Eva Galperin, Electronic Frontier Foundation
Effacer ses données, mission impossible ?
Effacer ses données génétiques des serveurs de 23andMe, avant qu'il ne soit trop tard ? L'idée fait son chemin chez les défenseurs de la vie privée. La procédure est simple : il suffit de se connecter à son compte, et de cliquer sur « Supprimer mon compte » dans les paramètres. Mais il y a un hic. 23andMe prévient qu'elle conservera certaines données, notamment celles déjà partagées avec des tiers pour la recherche. Impossible de revenir en arrière.
Un dilemme cornélien pour les clients, tiraillés entre le potentiel médical de leurs données et les risques d'atteinte à leur intimité génétique. Un équilibre de plus en plus précaire, alors que le fleuron de la biotechnologie tangue. L'alerte est donnée.
