L’enjeu des financements à la COP16 sur la biodiversité
Tous les regards sont tournés vers Cali en Colombie, où s'ouvre le 21 octobre la 16e Conférence des parties (COP16) à la Convention des Nations unies sur la diversité biologique. Après l'adoption historique en décembre dernier à Montréal de l'accord de Kunming-Montréal, avec des objectifs ambitieux à horizon 2030, l'heure est désormais à l'action. Mais pour mettre en oeuvre cet accord, encore faut-il débloquer des financements à la hauteur des enjeux.
Un cadre mondial pour la biodiversité qui doit se concrétiser
L'accord de Kunming-Montréal, aussi appelé Cadre mondial pour la biodiversité, fixe comme objectifs de protéger 30% de la planète et des écosystèmes d'ici 2030, de restaurer 30% des zones dégradées, mais aussi de soutenir les populations autochtones et d'augmenter significativement les financements des pays en développement. Des cibles ambitieuses, mais qui doivent maintenant se traduire en actions concrètes.
Pour l'instant, 31 pays ont décliné ce cadre en stratégie nationale, dont des poids lourds comme la France, le Canada, le Japon, la Chine ou l'Indonésie. Une centaine de pays ont fixé des cibles couvrant l'ensemble de la stratégie et du calendrier. Mais cela reste insuffisant face à l'urgence de stopper l'effondrement de la biodiversité, qui s'accélère de façon alarmante.
Mobiliser au moins 200 milliards de dollars par an
La question des financements est centrale. À Montréal, les États se sont engagés à mobiliser au moins 200 milliards de dollars par an pour la biodiversité. Mais selon les estimations, il faudrait entre 700 et 1000 milliards annuels pour réellement inverser la tendance d'ici 2030. Un déficit abyssal qu'il va falloir combler, en mobilisant toutes les sources possibles : aide publique au développement, financements privés, philanthropie, paiement pour services écosystémiques...
Les pays en développement, qui abritent l'essentiel de la biodiversité mondiale, attendent des engagements forts sur les financements. C'est la clé pour qu'ils s'impliquent pleinement dans la mise en œuvre de l'accord.
Juliette Landry, chercheuse à l'Iddri
Mobiliser les entreprises et la société civile
Au-delà des États, la COP16 doit aussi permettre de mobiliser les entreprises et la société civile. Dès 2024, les grandes entreprises devront publier leurs impacts sur la biodiversité et leur stratégie pour y remédier. Un levier d'action important, même s'il faudra veiller à ce que cela ne se limite pas à un exercice de communication.
Côté société civile, les ONG environnementales attendent de cette COP qu'elle permette de sensibiliser le grand public aux enjeux de la biodiversité, encore moins connus que ceux du climat. Et qu'elle donne un coup d'accélérateur aux initiatives citoyennes en faveur de la nature.
Miser sur les solutions basées sur la nature
Parmi les sujets au menu de la COP16 figurent aussi les fameuses "solutions basées sur la nature", qui utilisent les écosystèmes pour relever les défis du développement durable et de l'adaptation au changement climatique. Restauration des mangroves, agroforesterie, toitures végétalisées en ville... Ces solutions ont le vent en poupe et sont de plus en plus documentées scientifiquement.
Elles présentent l'avantage d'être des réponses gagnant-gagnant pour le climat et la biodiversité. Leur déploiement à grande échelle pourrait permettre de stocker du carbone, de protéger les populations des catastrophes naturelles, tout en restaurant les habitats naturels. Un levier sur lequel les négociateurs comptent s'appuyer à Cali.
Adopter un mécanisme pour l'accès aux ressources génétiques
Autre enjeu de la COP16 : l'adoption d'un mécanisme mondial pour partager les bénéfices tirés de l'utilisation des ressources génétiques, très convoitées notamment par les industries pharmaceutiques et cosmétiques. Les pays du Sud, riches en biodiversité, veulent obtenir des retombées des recherches menées à partir des plantes, animaux et micro-organismes issus de leurs territoires. Un sujet complexe et contentieux, sur la table des négociations depuis plusieurs années.
Cette COP16 sur la biodiversité est donc loin d'être une COP de transition. Elle doit permettre de valider les engagements des pays et surtout de débloquer des financements, condition sine qua non pour mettre en oeuvre l'ambitieux accord de Kunming-Montréal. Les chefs d'État et de gouvernement sont attendus au rendez-vous, pour donner une impulsion politique forte. Car sans moyens, l'objectif d'enrayer le déclin du vivant d'ici 2030 risque de rester un voeu pieux.