La pseudonymisation des données, un équilibre gagnant-gagnant ?
À l'heure où l'intelligence artificielle investit tous les secteurs, l'exploitation des données personnelles est devenue un enjeu stratégique majeur. Entre strict respect du RGPD et besoin d'entraîner les algorithmes, les entreprises se cherchent le bon équilibre. Et si la pseudonymisation était la clé ?
Pour Théodore Christakis, professeur de droit et titulaire de la chaire "Legal and Regulatory Implications of Artificial Intelligence", la pseudonymisation fait partie des "privacy-enhancing technologies" (PET) offrant "une solution pragmatique pour libérer le potentiel des données tout en assurant une protection suffisante".
Pseudonymisation vs anonymisation : quelles différences ?
Première chose à comprendre : le RGPD n'impose pas l'anonymisation des données personnelles. Cette technique, qui consiste à rendre impossible toute réidentification des personnes, permet certes d'échapper aux contraintes du règlement européen. Mais elle n'est pas la seule option.
La pseudonymisation, elle, remplace les données directement identifiantes (nom, prénom...) par un alias. Un processus réversible, contrairement à l'anonymisation. C'est justement sur ce point que le bât blesse selon la CNIL, qui considère que le risque de réidentification impose d'appliquer le RGPD aux données pseudonymisées. Une position que Théodore Christakis qualifie "d'approche absolue".
L'approche relative de la DPC irlandaise
De son côté, la Data Protection Commission irlandaise adopte une "approche relative" en analysant au cas par cas la capacité réelle d'une partie à réidentifier les personnes. Une vision plus souple et pragmatique, qui séduit de nombreux acteurs.
La jurisprudence se cherche un peu.
– résume Théodore Christakis
Les données synthétiques, une alternative crédible ?
Face à ces incertitudes juridiques, certains misent sur les données synthétiques générées par IA pour s'affranchir du RGPD. Une piste intéressante, qui pose néanmoins la question de la qualité et de la représentativité de ces données artificielles par rapport à de vraies données pseudonymisées.
Vers un nouveau compromis ?
Au final, pseudonymisation et synthétisation apparaissent comme deux moyens complémentaires de concilier conformité et compétitivité à l'ère de l'IA. Mais pour créer un cadre porteur et sécurisant, une clarification de la réglementation et de la jurisprudence semble indispensable.
Un chantier de taille, qui appelle un vrai débat de société sur la place que nous souhaitons donner à la protection des données personnelles face aux promesses de l'intelligence artificielle. L'enjeu : trouver le juste équilibre entre innovation et intimité numérique.
