Une entreprise meusienne sauvée et transformée en Scop
Que se passe-t-il lorsqu'une entreprise historique frôle la liquidation ? À Trois-Domaines dans la Meuse, les salariés de Bergère de France, célèbre manufacture de laine à tricoter, ont décidé de prendre leur destin en main. Menacés par un plan de reprise qui ne prévoyait aucun maintien d'emploi sur le site, ils se sont mobilisés pour proposer un ambitieux projet de Société Coopérative et Participative (Scop). Retour sur ce sauvetage exemplaire, qui redonne espoir à tout un territoire.
Bergère de France : 76 ans d'histoire et d'excellence
Fondée en 1946, Bergère de France s'est imposée au fil des décennies comme l'une des dernières grandes filatures de laine françaises. Avec un savoir-faire artisanal d'exception, l'entreprise produit des fils à tricoter haut de gamme, distribués dans le monde entier. Mais derrière cette success-story se cache une réalité plus contrastée. Fragilisée par la concurrence internationale et des difficultés financières, Bergère de France a été placée en redressement judiciaire dès 2015.
Incapable d'honorer son plan de continuation, la manufacture a finalement été mise en liquidation en avril 2023, ouvrant une période d'incertitude pour les 120 employés du site. Le tribunal de commerce a néanmoins autorisé une poursuite d'activité provisoire, le temps de trouver un repreneur. Deux offres étaient en lice : celle de Happywool, qui ne prévoyait aucun maintien d'emploi local, et un projet de Scop porté par 57 salariés.
Le pari audacieux d'une reprise en Scop
Le 21 octobre, le tribunal valide finalement le plan de reprise en Scop, saluant son caractère viable et sa capacité à préserver 70 emplois en CDI ainsi qu'une dizaine de tricoteuses à domicile. Un véritable soulagement pour Allison Da Cruz, déléguée syndicale FO :
On y croit, c'est un projet viable. Mais nous avons des inquiétudes sur la capacité de l'entreprise à tenir la cadence. En production, nous allons travailler avec un tiers des effectifs en moins.
– Allison Da Cruz, déléguée syndicale FO
Cette reprise en Scop est en effet un pari audacieux, qui s'appuie sur l'implication sans faille des salariés devenus entrepreneurs. Mais elle bénéficie de solides soutiens, à commencer par celui de l'Union Régionale des Scop du Grand-Est (Urscop). Sa directrice, Marie-Madeleine Maucourt, insiste sur le caractère vital de ce sauvetage pour le territoire :
Bergère de France n'est pas un cas isolé. Le maintien de nos industries et nos savoir-faire en France est primordial.
– Marie-Madeleine Maucourt, directrice de l'Urscop Grand-Est
Le montage financier de l'opération a également pu compter sur des partenaires de poids, comme Socoden, la banque des Scop, le Crédit Coopératif et le Crédit Agricole. La région Grand-Est et le GIP Objectif Meuse ont aussi apporté leur pierre à l'édifice.
Un modèle inspirant de résilience industrielle
Au-delà du sauvetage de Bergère de France, cette reprise en Scop illustre la pertinence des modèles coopératifs pour assurer la pérennité d'entreprises en difficulté. En donnant le pouvoir aux salariés, ces structures favorisent une gouvernance plus horizontale et une répartition équitable de la valeur. Elles misent sur l'intelligence collective et l'engagement de chacun pour relever les défis.
Cette success-story meusienne fait écho à d'autres réussites récentes, comme celle de Duralex. Elle prouve que l'économie sociale et solidaire peut être une réponse efficace aux problématiques de transmission et de relocalisation industrielle. À l'heure où la réindustrialisation est érigée en priorité nationale, gageons que l'exemple de Bergère de France en inspirera plus d'un !
Car derrière ce sauvetage, c'est bien la vitalité de tout un écosystème local qui est en jeu. En préservant des emplois et des compétences uniques, la Scop permet à un territoire rural de garder la tête haute et d'envisager l'avenir avec optimisme. Souhaitons maintenant plein succès à cette nouvelle aventure entrepreneuriale, qui mérite tout notre soutien et notre admiration !
Les points clés à retenir
- Bergère de France, filature historique, transformée en Scop suite à sa liquidation
- Un plan de reprise porté par 57 salariés, qui sauve 70 emplois
- Un pari audacieux qui mise sur l'implication des salariés-entrepreneurs
- Un projet soutenu par l'Urscop Grand-Est et des partenaires financiers
- Un modèle inspirant de reprise en Scop pour maintenir l'industrie en France