AbCellera : Une startup canadienne innovante sauvée de la fuite
Une success story biotechnologique qui a bien failli nous échapper... Voilà le destin hors du commun d'AbCellera, pépite canadienne de la découverte d'anticorps thérapeutiques. Créée en 2012 à partir de l'université de Colombie-Britannique (UBC), la startup a connu une ascension fulgurante, au point de collaborer avec le géant américain de la recherche DARPA. Mais comme le révélait récemment Anne Stevens, VP business development, lors d'un panel de BetaKit, l'aventure a bien failli se poursuivre loin du pays de l'érable...
Un écosystème propice aux startups, mais...
La Colombie-Britannique regorge d'atouts pour faire émerger des startups innovantes : universités renommées (UBC a donné naissance à 260 entreprises !), recherche de pointe, esprit entrepreneurial... AbCellera en est l'incarnation parfaite. Pourtant, Anne Stevens pointe du doigt les difficultés à transformer l'essai et faire grandir ces jeunes pousses :
Historiquement, nous avons vu ces entreprises sortir trop tôt, généralement parce que les talents n'existent pas pour la prochaine étape d'évolution de l'entreprise, ou le capital n'est pas disponible, ou l'infrastructure n'est pas là.
– Anne Stevens, VP Business Development d'AbCellera
Pour une biotech, le défi est colossal : il faut en moyenne 15 ans et 1 milliard de dollars pour commercialiser un produit ! D'où la tentation pour ces pépites de chercher des financements et un environnement plus favorables, souvent au sud de la frontière...
Un patriotisme à l'épreuve
C'est justement ce qui a failli arriver à AbCellera. Malgré son attachement au Canada, l'équipe dirigeante s'est demandée à plusieurs reprises si le pays offrait vraiment le meilleur terreau pour s'épanouir sur le long terme. «Il y avait, bien sûr, un devoir fiduciaire de se demander si le Canada est la bonne juridiction pour se développer et s'enraciner», confie Anne Stevens.
Quand la réponse penchait négativement, la startup n'hésitait pas à taper à la porte des gouvernements provincial et fédéral, avec un message clair : «Nous avons une grande vision, nous savons que nous pouvons faire quelque chose de spécial. Nous sommes canadiens. Aidez-nous à rester ici.»
Un défi : adapter les incitations et politiques publiques
Pour ancrer durablement ses biotechs, le Canada doit donc offrir un cadre incitatif et des politiques publiques adaptés aux réalités de ce secteur si spécifique. Anne Stevens salue l'intérêt croissant des autorités pour mieux soutenir cette industrie stratégique. AbCellera en a elle-même bénéficié en obtenant 300 millions de dollars pour son campus de Vancouver.
Mais au-delà, il faut aller plus loin en repensant les mesures favorisant la R&D, la rétention de la propriété intellectuelle ou encore la croissance du chiffre d'affaires à l'aune des temps longs et des investissements massifs propres aux sciences de la vie. Le crédit d'impôt recherche canadien SR&ED par exemple n'est plus applicable une fois l'entreprise entrée en bourse, un passage pourtant incontournable et précoce pour les biotechs.
En s'attaquant à ces freins, le Canada se donnerait les moyens de garder ses futurs champions et bâtir une filière d'excellence mondiale. Car le potentiel est là, à l'image d'un Pieter Cullis, pionnier des technologies d'administration des vaccins à ARN messager et potentiel futur prix Nobel canadien selon Anne Stevens. C'est tout l'enjeu : offrir à ces grands innovateurs l'écosystème pour non seulement éclore mais aussi s'épanouir durablement au pays. Une recette qui a permis à AbCellera de poursuivre son incroyable épopée en terre canadienne et devenir la licorne incontournable de la côte Ouest !