Projet Arctic : Cap sur l’industrialisation du quantique
L'informatique quantique promet de résoudre des problèmes aujourd'hui inaccessibles aux supercalculateurs classiques. Mais pour passer des preuves de concept en laboratoire à une réalité industrielle, de nombreux obstacles technologiques restent à franchir. C'est tout l'enjeu du projet européen Arctic, lancé début 2024 pour une durée de 3 ans.
Un consortium de 36 partenaires et 34,6 millions d'euros
Porté par un consortium de 36 partenaires issus de 11 pays, dont 23 entreprises et 13 organismes de recherche, Arctic (acronyme de « Advanced Research on Cryogenic Technologies for Innovative Computing ») dispose d'un budget conséquent de 34,6 millions d'euros, abondé à hauteur de 11 millions par la Commission européenne. Quatre acteurs français sont de la partie : le CEA, STMicroelectronics, et les start-up Quobly et Alice&Bob.
L'objectif affiché est clair : lever les verrous technologiques pour permettre un passage à l'échelle industrielle du calcul quantique. Car si cette technologie de rupture suscite un engouement croissant, sa mise en œuvre pratique se heurte encore à de redoutables défis, à commencer par les températures extrêmement basses, proches du zéro absolu, nécessaires au fonctionnement des qubits, l'équivalent quantique des bits.
Des process de fabrication rigoureux et reproductibles
Pour surmonter ces obstacles, Arctic mise sur une approche intégrée couvrant tout le spectre, des composants matériels aux applications logicielles, en passant par les aspects de cryogénie et de contrôle quantique. Les acteurs industriels apportent leur expertise et leur maîtrise des procédés de fabrication, dont les autres partenaires comptent s'inspirer.
Nous sommes là pour que ce ne soit pas qu'un projet de recherche. Nous demandons à nos partenaires une rigueur industrielle sur leurs process manufacturiers.
– Cécile Perrault, Alice&Bob
Chaque partenaire travaille sur des briques spécifiques. STMicroelectronics planche sur l'amélioration du contrôle qualité de ses puces cryogéniques. Quobly développe un nouveau dispositif d'amplification des signaux quantiques, à la fois plus performant et moins coûteux. Alice&Bob conçoit un système complet exploitant des cat qubits, plus stables que les qubits supraconducteurs standard. Autant d'avancées qui, mises bout à bout, pourraient bien changer la donne.
Le pari de l'Europe face aux géants américains et chinois
Avec ce projet d'envergure, l'Europe entend bien rattraper son retard face aux mastodontes américains et chinois qui dominent aujourd'hui la course au quantique. Un enjeu de souveraineté technologique et économique majeur pour les décennies à venir.
Outre les aspects techniques, Arctic vise aussi à structurer un écosystème quantique européen, en facilitant les collaborations entre laboratoires et industriels. De quoi dynamiser ce secteur stratégique et favoriser l'émergence de champions continentaux, à l'image du Franco-Autrichien Alice&Bob, qui a levé 27 millions d'euros en 2022.
Vers un ordinateur quantique opérationnel d'ici 2030 ?
Si les défis restent immenses, les acteurs d'Arctic se montrent confiants dans leur capacité à les relever. Leur feuille de route est ambitieuse :
- Développer des démonstrateurs technologiques d'ici fin 2024
- Intégrer ces briques dans un prototype préindustriel en 2025
- Viser un ordinateur quantique opérationnel à l'horizon 2030
Une chose est sûre : avec ses financements conséquents et son approche multidisciplinaire, Arctic constitue un jalon essentiel pour faire passer l'informatique quantique du stade de la recherche à celui de l'industrie. Un pari audacieux et nécessaire pour que l'Europe reste dans la course.