La Fondation Mozilla Réduit Ses Effectifs de 30% et Abandonne le Plaidoyer
Alors que le monde de la tech fait face à des bouleversements sans précédent, une nouvelle secoue le milieu des organisations à but non lucratif : la Fondation Mozilla, bras caritatif du célèbre navigateur Firefox, procède à une vague de licenciements touchant 30% de ses effectifs. Une restructuration de grande ampleur qui signe également la fin de sa division dédiée au plaidoyer. Quels enseignements tirer de cette décision choc pour le secteur associatif dans un monde en constante mutation ?
Un "assaut incessant de changements" pour la Fondation Mozilla
Dans un e-mail adressé aux employés le 30 octobre, la directrice exécutive de la Fondation Mozilla Nabiha Syed justifie ces mesures radicales par un "assaut incessant de changements dans le monde de la technologie (et au-delà)", rendant "l'idée de mettre les gens avant le profit de plus en plus radicale". Face à ce "moment distrayant et instable", la fondation doit faire preuve d'une "concentration laser" quitte à "dire au revoir à l'excellent travail qui nous a menés jusqu'ici", explique-t-elle.
Au total, ce sont près de 36 postes qui sont supprimés, ramenant les effectifs de 120 à environ 84 personnes. Mais au-delà de l'aspect humain, c'est toute la stratégie de l'organisation qui est remise en question, avec notamment l'abandon de deux de ses principales divisions : le plaidoyer et les programmes internationaux. Un recentrage qui vise à produire "un récit unifié et puissant de la part de la Fondation", dixit Nabiha Syed.
Quand le plaidoyer n'est plus une priorité
Depuis sa création en 2003, la Fondation Mozilla s'est donnée pour mission de promouvoir l'ouverture, l'innovation et la participation sur le Web. Un engagement qui s'est notamment traduit par des actions de plaidoyer en faveur de la protection de la vie privée, de l'inclusion numérique ou encore de la décentralisation des technologies. Des combats qui, semble-t-il, ne sont plus au cœur des priorités de l'organisation.
Difficile en effet de ne pas voir dans cette restructuration un aveu d'échec, ou du moins un constat d'impuissance face aux défis colossaux posés par l'évolution effrénée du secteur technologique. Car malgré ses efforts, force est de constater que la Fondation Mozilla n'a pas réussi à endiguer la concentration du marché des navigateurs, largement dominé par Google Chrome, ni à contrer la montée en puissance des géants de la Silicon Valley et leur mainmise sur nos données personnelles.
Naviguer en cette période instable et distrayante exige une concentration laser - et parfois dire au revoir à l'excellent travail qui nous a menés jusqu'ici parce qu'il ne nous mènera pas au prochain pic. Des objectifs élevés exigent des choix difficiles.
– Nabiha Syed, directrice exécutive de la Fondation Mozilla
Un signal fort pour le monde associatif
Au-delà du cas spécifique de Mozilla, cette annonce sonne comme un avertissement pour l'ensemble du secteur associatif. Car si même une organisation de cette envergure, forte de sa notoriété et de sa communauté d'utilisateurs, n'arrive plus à peser face aux bouleversements technologiques, qu'en est-il des plus petites structures ?
Cette question est d'autant plus cruciale que les organisations à but non lucratif jouent un rôle essentiel en matière de régulation et de contre-pouvoir face aux acteurs privés. Que ce soit en termes de défense des droits des utilisateurs, de promotion de l'éthique ou d'éducation au numérique, elles apportent une voix indispensable dans un écosystème largement dominé par les intérêts commerciaux.
Mais pour continuer à assurer cette mission, le monde associatif va devoir lui aussi s'adapter et se réinventer. Cela passera certainement par de nouvelles alliances, un recentrage sur les enjeux prioritaires et surtout une agilité accrue pour suivre le rythme effréné des innovations. Un défi de taille, qui nécessitera des moyens à la hauteur, qu'ils soient humains, financiers ou technologiques.
- Les bouleversements du secteur technologiques mettent à l'épreuve les organisations à but non lucratif comme Mozilla
- L'abandon du plaidoyer questionne le rôle et l'impact de ces structures face aux géants du web
- Pour s'adapter, le monde associatif devra se recentrer sur ses priorités et faire preuve d'agilité
Vers un nouveau modèle d'engagement ?
Les licenciements à la Fondation Mozilla ne sont finalement que la partie émergée d'une crise plus profonde, qui touche à notre façon de penser l'engagement et l'intérêt général à l'ère du tout numérique. Car dans un monde où la technologie évolue plus vite que la régulation, où les frontières entre sphère publique et privée s'estompent, les modes d'actions traditionnels semblent de moins en moins opérants.
Faut-il pour autant renoncer à défendre certaines valeurs et principes fondamentaux ? Certainement pas. Mais cela implique d'inventer de nouvelles formes de mobilisation, plus décentralisées, plus collaboratives, à l'image de ce que prône Mozilla depuis ses débuts. Cela suppose aussi de repenser les modèles économiques, en explorant par exemple des pistes comme l'entreprenariat social ou le financement participatif.
Enfin, et c'est peut-être le plus important, cela nécessite de replacer l'humain au cœur des préoccupations. Car la technologie n'est jamais qu'un outil au service d'une vision et d'aspirations profondes. En perdant de vue cette dimension, Mozilla a peut-être aussi perdu une partie de son âme. Charge maintenant à la fondation, et à tout l'écosystème, de réinventer un modèle qui conjugue innovation et progrès social. Le chemin est encore long, mais les enjeux n'ont jamais été aussi cruciaux.