Pourquoi les lois Egalim peinent à s’imposer en France
Alors que les mouvements de contestation reprennent dans le monde agricole, la question du revenu des producteurs est plus que jamais au cœur des débats. Dans ce contexte, les lois Egalim, censées rééquilibrer les relations commerciales dans l'agroalimentaire, sont pointées du doigt. Car malgré leurs ambitions, ces textes ne s'appliquent en réalité qu'à une minorité de produits agricoles français. Comment expliquer cette situation ? Et quelles pistes pour y remédier ?
Un champ d'application plus restreint qu'il n'y paraît
Adoptées en 2018 puis renforcées en 2021, les lois Egalim visent à mieux répartir la valeur entre les différents maillons des filières, de la fourche à la fourchette. Leurs mesures phares sont la contractualisation pluriannuelle et la prise en compte des coûts de production dans la construction des prix. Mais dans les faits, leur portée s'avère limitée :
- Les lois ne concernent que les produits vendus en grande distribution, soit environ 40% des débouchés agricoles.
- De nombreuses filières y échappent : sucre, céréales, fruits et légumes frais...
- Même en rayons, des produits comme la viande bovine appliquent peu la contractualisation.
Autres exceptions notables : les coopératives, pourtant très présentes dans les marques nationales, et les produits sous contrat d'entreprise. Résultat, Egalim concerne principalement les produits de grande consommation vendus en GMS.
Des filières inégalement concernées
Si les lois Egalim ont été pensées avant tout pour la filière laitière bovine, leur bilan y reste mitigé. La contractualisation progresse mais est loin d'être généralisée, dans un secteur où le rapport de force reste favorable aux industriels comme Lactalis ou Savencia. À l'inverse, des filières très "commoditisées" comme le sucre ou les céréales y échappent largement.
Les lois Egalim ne concernent qu'un périmètre restreint de produits.
Agriculture Stratégies
Renforcer le rôle des organisations professionnelles
Face à ce constat, certains plaident pour une extension du dispositif, par exemple aux grossistes de la RHD. Mais une autre piste serait de mieux soutenir les organisations professionnelles (OP), comme le font d'autres pays européens via la PAC. Cela permettrait de rééquilibrer les relations commerciales sans passer par la loi.
La France a jusqu'ici privilégié l'émergence de champions nationaux, coopératifs ou privés. Une stratégie qui montre ses limites pour assurer un revenu décent aux producteurs. Le récent conflit entre Lactalis et ses fournisseurs en est l'illustration. Redonner du poids aux OP pourrait donc être une solution d'avenir.
En attendant, une nouvelle loi Egalim n'est pas à l'ordre du jour, malgré la remise d'un rapport au gouvernement. Mais la pression monte dans les campagnes pour une meilleure répartition de la valeur. Un défi majeur pour l'avenir de l'agriculture française et de son modèle alimentaire.