The Exploration Company : un Dragon européen pour l’ISS
Imaginez un instant que l'Europe puisse, elle aussi, ravitailler la Station Spatiale Internationale (ISS) à sa guise. C'est le pari un peu fou que s'est lancé The Exploration Company, une jeune pousse aérospatiale ambitieuse basée entre l'Allemagne, la France et l'Italie. Son objectif ? Rien de moins que de concevoir et déployer le premier cargo spatial réutilisable européen, baptisé Nyx, d'ici 2028. Un Dragon du Vieux Continent pour rompre le monopole américain de SpaceX et Northrop Grumman.
160 millions pour casser la baraque
Fondée il y a à peine 3 ans, la start-up vient de boucler une levée de fonds de 160 millions de dollars. Son plus gros tour de table à ce jour, mené par les fonds Balderton Capital et Plural, pour porter son financement total à plus de 208 millions de dollars. De quoi lui donner de sérieux moyens pour avancer sur le développement de Nyx, un vaisseau cargo capable de transporter 3 tonnes de matériel depuis la Terre jusqu'à l'ISS et inversement.
Une prouesse rendue possible grâce au soutien d'investisseurs privés, une première pour un tel projet :
Nous sommes la première entreprise au monde où cela est pour la première fois principalement financé par des investisseurs privés.
– Hélène Huby, co-fondatrice de The Exploration Company
À l'inverse, rappelle-t-elle, le développement de la capsule Dragon de SpaceX a été "principalement financé par la NASA".
L'ESA mise sur les acteurs privés
Mais The Exploration Company peut aussi compter sur le soutien de l'Agence Spatiale Européenne (ESA). Cette dernière lui a octroyé un contrat d'étude d'environ 25 millions d'euros pour développer des services de retour de cargaison. Un partenariat qui court jusqu'en 2026, avec à la clé d'autres opportunités de contrats.
Car l'ESA ambitionne de disposer d'au moins une capsule européenne capable de ravitailler l'ISS dès 2028. Une manière de favoriser l'émergence d'un écosystème spatial privé sur le Vieux Continent, à l'image de ce que la NASA a réussi avec SpaceX et Northrop Grumman aux États-Unis.
Des contrats commerciaux prometteurs
Outre le soutien de l'ESA, The Exploration Company a déjà séduit plusieurs acteurs privés du « Nouveau Space ». D'après de récents chiffres, environ 90% de son carnet de commandes de 770 millions de dollars provient de sociétés comme Axiom Space, Vast ou encore Starlab qui développent leurs propres stations spatiales privées.
Des débouchés commerciaux cruciaux pour la jeune pousse européenne qui mise sur un « marché de plusieurs milliards » à terme. Car au-delà du ravitaillement de l'ISS, Nyx a vocation à devenir une solution de transport clé pour la future économie spatiale en orbite basse. Un segment en plein boom avec des applications dans le tourisme spatial, la recherche en micropesanteur ou encore la production de nouveaux matériaux.
Décollage en 2028... si tout va bien
Pour l'heure, c'est un premier démonstrateur à échelle réduite de Nyx qui a été lancé avec succès cet été à bord de la fusée Ariane 6, même s'il n'a pu être déployé en raison d'un problème sur l'étage supérieur du lanceur.
Une seconde mission baptisée « Mission Possible », toujours sur un format réduit, est attendue l'année prochaine sur un Falcon 9 de SpaceX. Avant un lancement grandeur nature en 2028 pour le premier vol de démonstration vers l'ISS.
Un calendrier ambitieux pour une start-up qui entend bien rattraper son retard sur les géants américains :
Je respecte grandement ce que SpaceX a réussi à accomplir. Nous essayons d'en tirer le maximum d'enseignements, nous sommes inspirés par leur réussite. Mais nous croyons aussi que le monde a besoin de plus de compétition et nous voulons, étape par étape, bâtir une alternative.
– Hélène Huby, co-fondatrice de The Exploration Company
Un défi de taille pour la société spatiale européenne qui ne fait que commencer. Mais avec un solide financement, le soutien d'acteurs publics et privés, et une équipe d'ingénieurs chevronnés, elle semble avoir toutes les cartes en main pour s'imposer comme un acteur incontournable du transport cargo vers l'espace.
Un « Dragon européen » est en passe de voir le jour. Et il n'a pas fini de faire parler de lui !