O-I ferme son atelier en Charente : un signe des temps
Mauvaise nouvelle pour l'industrie de l'emballage des produits de luxe. L'atelier de décoration des bouteilles haut de gamme d'O-I Glass, situé à Gensac-la-Pallue en Charente, vient d'annoncer sa fermeture définitive. Spécialisé dans les finitions sophistiquées pour les spiritueux et le cognac, le site est directement impacté par le ralentissement économique et les incertitudes géopolitiques. Un signe des temps difficiles pour ce secteur d'activité.
Un marché du luxe sous tension
Le site de Gensac-la-Pallue, qui employait 17 personnes, réalisait des décorations haut de gamme (sérigraphie, marquage à chaud, peinture, satinage...) pour embellir les contenants en verre des plus grandes marques de spiritueux. Des prestations à forte valeur ajoutée, destinées principalement à l'export.
Mais le marché des alcools de luxe traverse une zone de turbulences. Déjà affecté par la pandémie de Covid-19 et ses répercussions sur le travel retail, le duty free et la consommation de prestige, il doit maintenant faire face à de nouvelles menaces :
- Les sanctions douanières imposées par la Chine sur les alcools européens, en réponse aux mesures de l'UE visant le secteur automobile.
- Les risques de hausses des droits de douane aux États-Unis brandis par Donald Trump, fraîchement élu.
Résultat, les deux principaux marchés à l'export pour les spiritueux français haut de gamme sont aujourd'hui sous pression. De quoi assombrir les perspectives à court terme pour l'aval de la filière, et en particulier les spécialistes de l'habillage et du packaging de luxe comme O-I.
Baisses des commandes et surcapacités
Très dépendant de la santé des exportations des alcools premium, l'atelier de Gensac-la-Pallue a vu son carnet de commandes fondre ces derniers mois, victime de la conjonction de facteurs défavorables :
- Anticipation d'une chute des ventes de cognac et spiritueux haut de gamme en Chine et aux USA
- Volonté des grandes maisons de réduire leurs stocks et la pression sur leur trésorerie
- Frilosité des donneurs d'ordre à s'engager sur des opérations de prestiges
Déjà confronté comme l'ensemble du secteur de l'emballage de luxe à des surcapacités chroniques, le site n'a pas réussi à amortir cette baisse d'activité. Sa maison mère O-I, géant américain du flaconnage en verre, a donc tranché en faveur d'une fermeture.
Confronté à une baisse structurelle de son carnet de commandes, le site de Gensac-la-Pallue n'avait plus les moyens de poursuivre son activité.
– Un porte-parole d'O-I
Un avenir incertain pour la filière
Si elle n'est pas une surprise dans le contexte actuel, cette fermeture vient rappeler la fragilité de l'écosystème de l'emballage de luxe, et sa sensibilité aux à-coups de la conjoncture internationale. Un coup dur également pour le bassin industriel cognaçais, qui perd un acteur historique de la décoration de flacons de spiritueux.
Plus globalement, l'épisode soulève la question de l'avenir de cette filière d'excellence hexagonale, prise en étau entre :
- La montée en puissance d'une concurrence étrangère agressive (Chine, pays de l'Est)
- Les menaces protectionnistes qui pèsent sur les exportations des produits de luxe "made in France"
Dans ces conditions, jusqu'à quand les savoir-faire d'exception des artisans et manufacturiers français de l'habillage premium pourront-ils résister ? L'enjeu est de taille pour ce fleuron tricolore, qui emploie plusieurs milliers de personnes et contribue au rayonnement mondial des vins et spiritueux français.
Vers une relocalisation des approvisionnements ?
Face à ce constat préoccupant, certains acteurs de la filière réfléchissent déjà à des alternatives pour pérenniser la production de packaging de prestige dans l'Hexagone. C'est notamment le cas de la Fédération française de la Cosmétique, qui plaide pour une relocalisation des approvisionnements.
Il faut inciter les donneurs d'ordre à s'approvisionner en France, en mettant en avant la qualité et la réactivité de notre écosystème. C'est indispensable pour maintenir nos compétences.
– Patrick O'Quin, président de la FEBEA
Reste à convaincre des clients exigeants, déjà séduits par les sirènes de la délocalisation. Un sacré défi dans le contexte inflationniste actuel. Mais peut-être la clé pour endiguer le déclin amorcé par la fermeture du site O-I de Gensac-la-Pallue.