Les salariés de Hennessy en grève contre la délocalisation en Chine
C'est un vent de fronde qui souffle actuellement sur la maison Hennessy, fleuron du cognac français et propriété du géant du luxe LVMH. Environ 500 salariés, soit la moitié des effectifs, se sont mis en grève ce mardi 19 novembre pour protester contre un projet de délocalisation de l'embouteillage en Chine. Une menace qui fait frémir tout le bassin d'emploi charentais, berceau historique de ce spiritueux mondialement réputé.
La crainte d'un "impact très important" sur l'emploi local
Selon Michaël Lablanche, secrétaire général de l'Union départementale CGT de Charente, les salariés ont été informés "d'un éventuel projet de mise en bouteille en Chine" chez Hennessy. Une annonce qui a suscité une vive inquiétude parmi les "camarades des Maisons de Cognac". Car ce transfert de l'embouteillage vers l'Empire du Milieu "aurait forcément un impact très important ici", alerte le responsable syndical.
Si pour l'instant, seul Hennessy semble concerné, Michaël Lablanche craint que ce projet ne fasse tache d'huile. "Ça va forcément concerner toutes les maisons et en termes d'emploi ça serait une catastrophe pour le secteur", prévient-il. D'où cette mobilisation massive des salariés, bien décidés à défendre leur outil de travail et leur savoir-faire unique.
Cognac français vs surtaxes chinoises
Mais comment expliquer un tel projet de délocalisation de la part d'Hennessy ? Il faut y voir une conséquence directe des tensions commerciales entre l'Europe et la Chine sur le marché des spiritueux. Depuis début octobre, Pékin a en effet commencé à imposer des droits de douane punitifs sur les eaux-de-vie de vin européennes, dont le cognac est friand le consommateur chinois.
En délocalisant une partie de sa production directement sur le sol chinois, Hennessy espère ainsi contourner ces surtaxes qui plombent ses marges. Une stratégie de contournement qui pourrait faire des émules parmi les autres grandes maisons de cognac, au détriment de l'emploi local. C'est tout l'enjeu de ce bras de fer social.
"Ça va forcément concerner toutes les maisons et en termes d'emploi ça serait une catastrophe pour le secteur."
Michaël Lablanche, secrétaire général de l'UD CGT de Charente
L'importance du bassin charentais pour le cognac
Le cognac est indissociable de son terroir d'origine, la Charente, où se concentrent la quasi-totalité des maisons de production. Ce spiritueux d'exception bénéficie d'ailleurs d'une Appellation d'Origine Contrôlée (AOC) très stricte qui garantit son authenticité. Un déménagement même partiel de la production ferait courir le risque d'une perte d'identité.
C'est aussi un secteur pourvoyeur de nombreux emplois locaux, de la culture de la vigne à la distillation en passant par le vieillissement en fûts de chêne et bien sûr la mise en bouteille. Toute une filière d'excellence qui se sent aujourd'hui menacée par les appétits du géant chinois et les soubresauts du commerce international.
- Le cognac est le 3ème spiritueux le plus consommé en Chine
- 97,6% de la production de cognac est exportée
- La filière cognac représente près de 10 000 emplois directs en France
Hennessy, propriété du groupe LVMH
Fondée en 1765, la maison Hennessy s'est imposée au fil des siècles comme un acteur incontournable du cognac mondial. Depuis 1987, elle appartient au groupe de luxe LVMH fondé par l'homme d'affaires Bernard Arnault. Un rachat qui en dit long sur le prestige de la marque et son potentiel de développement.
Mais cette intégration dans un grand groupe coté en bourse semble aussi fragiliser le modèle social de l'entreprise. D'après certains salariés, la recherche de profits et de dividendes à court terme l'emporterait désormais sur l'attachement au terroir et aux savoir-faire traditionnels. Une dérive dénoncée par les syndicats.
Face à la détermination des grévistes, la direction d'Hennessy n'a pas souhaité commenter les informations concernant ce projet de délocalisation. Mais ce silence en dit long sur le malaise provoqué en interne par cette annonce. Reste à savoir si la mobilisation des salariés et le soutien de l'opinion publique suffiront à infléchir la stratégie du groupe. L'avenir du cognac français est en jeu.