Enel mise sur les réacteurs nucléaires modulaires pour l’avenir
Alors que la demande mondiale d'électricité explose, tirée par l'essor de l'intelligence artificielle et des data centers énergivores, le nucléaire revient sur le devant de la scène. Et les grands énergéticiens ne comptent pas laisser les startups seules sur ce marché d'avenir.
Le géant italien Enel vient ainsi d'annoncer un partenariat stratégique avec Ansaldo Energia et Leonardo pour développer des petits réacteurs nucléaires modulaires (SMR). Cette technologie innovante promet une production d'électricité décarbonée, à moindre coût et avec plus de flexibilité que les réacteurs traditionnels.
Enel mise gros sur le nucléaire du futur
Avec un chiffre d'affaires représentant 4% du PIB italien, Enel a les reins solides pour bousculer le secteur. Le groupe avait déjà noué un partenariat en mars dernier avec la startup italienne Newcleo, spécialisée dans les réacteurs de 4e génération au plomb. Cette double alliance montre qu'Enel croit en l'avenir du nucléaire.
Son PDG Flavio Cattaneo a reçu pas moins de 50 marques d'intérêt de la part d'entreprises souhaitant installer des data centers en Italie. Pour les alimenter en énergie verte et pilotable, les SMR apparaissent comme une solution idéale. D'autant que le gouvernement italien compte lever l'interdiction du nucléaire civil d'ici fin 2024.
Les atouts des petits réacteurs modulaires
Face aux réacteurs classiques de forte puissance nécessitant de lourds investissements, les SMR misent sur leur:
- Taille réduite (jusqu'à 300 MW)
- Construction en usine par modules
- Délais et coûts maîtrisés
- Flexibilité pour s'adapter à la demande
- Sûreté passive
Leurs défenseurs y voient la clé d'un nouveau nucléaire, plus agile et déployable à grande échelle pour décarboner massivement la production électrique mondiale. Reste à transformer l'essai en passant du stade de la R&D aux premières unités commerciales.
Les startups du nucléaire menacées ?
Si les SMR représentent une belle opportunité pour verdir le mix énergétique, ils pourraient aussi rebattre les cartes pour les startups positionnées sur ce créneau. Des pionniers comme l'américain NuScale ou le français Naarea ont déjà essuyé des revers, entre partenariats avortés et levées de fonds annulées.
L'arrivée de mastodontes comme Enel, adossés à des fleurons industriels de l'énergie et de la défense, risque de compliquer la tâche des jeunes pousses. Surtout si les géants usent de leur influence pour peser sur la réglementation et les appels d'offres.
Les SMR sont une course de vitesse. Les gagnants seront ceux qui sauront lever des fonds, nouer des alliances et obtenir le feu vert des autorités de sûreté.
Luc Van Den Durpel, expert nucléaire et fondateur de Nuclear-21
La compétition s'annonce rude, mais les startups peuvent aussi y voir une validation de leur pari technologique. Et pourquoi pas envisager des partenariats avec les électriciens ? Car développer une filière SMR à l'échelle industrielle nécessitera de joindre les forces. L'enjeu climatique est trop crucial.
Un redémarrage du nucléaire en Italie ?
En misant sur les SMR, Enel prend aussi un pari politique. Car le nucléaire reste un sujet sensible dans la péninsule, qui y a renoncé par référendum en 1987 puis 2011. Mais la crise énergétique et l'urgence climatique changent la donne.
Selon un récent sondage, 63% des Italiens sont désormais favorables à la construction de nouvelles centrales nucléaires, percevant cette énergie comme un mal nécessaire pour réduire la dépendance au gaz et aux énergies fossiles. Le gouvernement semble décidé à saisir cette opportunité.
L'alliance Enel-Ansaldo-Leonardo apparaît comme un jalon important vers un éventuel redémarrage du programme électronucléaire transalpin. Avec des entreprises nationales de premier plan dans le secteur, l'Italie veut rattraper son retard et redevenir un acteur de cette industrie stratégique.
Mais la route est encore longue. Enel table sur un horizon de 10-15 ans avant de voir les premiers SMR italiens entrer en service. Un calendrier qui correspond aux estimations de la plupart des acteurs du secteur.
D'ici là, le projet initié par Enel sera scruté de près, en Italie comme à l'international. Car au-delà de l'enjeu énergétique, c'est bien une bataille industrielle et géopolitique qui se joue autour de ces petits réacteurs nouvelle génération. Qui des startups ou des géants de l'énergie en sortira gagnant ? L'avenir nous le dira.