Trois nouveaux décideurs de la politique technologique de l’UE
À l'aube d'un nouveau mandat de la Commission européenne, trois nouveaux visages s'apprêtent à prendre les rênes de dossiers technologiques clés. Teresa Ribera Rodríguez, Henna Virkkunen et Ekaterina Zaharieva auront la lourde tâche de façonner la politique numérique de l'UE pour les cinq prochaines années, dans un contexte géopolitique incertain et face aux géants de la tech. Zoom sur leurs priorités et les défis qui les attendent.
Teresa Ribera Rodríguez, une commissaire puissante face aux GAFAM
Désignée vice-présidente exécutive chargée de la concurrence, l'Espagnole Teresa Ribera Rodríguez hérite d'un portefeuille stratégique et d'une autorité renforcée face aux géants du numérique. Sa mission principale sera de faire respecter le récent Digital Markets Act (DMA), le règlement phare de l'UE visant à rééquilibrer les rapports de force avec les plus grandes plateformes.
Concrètement, Ribera Rodríguez devra superviser les enquêtes ouvertes sur des soupçons de non-conformité d'Apple, Meta ou encore Google avec les nouvelles règles. Des sanctions allant jusqu'à 10% du chiffre d'affaires mondial sont prévues en cas d'infraction avérée. La commissaire a également pour consigne d'accélérer les procédures antitrust classiques et de bloquer les acquisitions "tueuses d'innovation" des mastodontes de la tech.
Notre approche de la concurrence doit refléter l'importance croissante de la résilience face aux menaces géopolitiques et à la concurrence déloyale.
– Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne
Autre chantier d'envergure confié à Ribera Rodríguez : l'adaptation des règles européennes en matière d'aides d'État. L'objectif est de favoriser les investissements dans des secteurs stratégiques comme les semi-conducteurs ou le cloud, afin de renforcer la souveraineté technologique de l'UE face à la Chine et aux États-Unis.
Henna Virkkunen, chargée de stimuler l'écosystème tech européen
La Finlandaise Henna Virkkunen, elle, pilotera le vaste portefeuille "Souveraineté technologique, sécurité et démocratie". Sa feuille de route comprend des mesures pour doper l'innovation européenne dans l'IA, faciliter l'accès aux supercalculateurs pour les startups, ou encore établir un cadre réglementaire favorable au développement du cloud.
Mais cette vice-présidente exécutive devra aussi veiller à l'application effective du Digital Services Act (DSA), le pendant du DMA fixant des obligations de moyens aux plateformes en matière de modération des contenus illégaux et préjudiciables. Le DSA confère à Bruxelles un pouvoir de sanction inédit, que Virkkunen n'hésitera pas à actionner en cas de manquements répétés, promet-elle.
Nous devons lutter contre les techniques contraires à l'éthique en ligne, y compris les dark patterns et la désinformation.
– Henna Virkkunen, candidate commissaire européenne
Virkkunen aura aussi la délicate mission de gérer le conflit larvé entre l'UE et Elon Musk, le sulfureux propriétaire de Twitter rebaptisé X. L'exécutif européen a ouvert une enquête sur de possibles infractions de la plateforme au DSA. En cas de crise, la commissaire pourrait être amenée à prendre la décision de bloquer temporairement l'accès au réseau social.
Ekaterina Zaharieva, ambassadrice des startups et de la R&D
Enfin, la Bulgare Ekaterina Zaharieva sera la commissaire en charge des startups, de la recherche et de l'innovation. Un poste moins exposé mais essentiel pour soutenir la compétitivité de l'écosystème européen des jeunes pousses tech, en facilitant leur accès aux financements et en allégeant les formalités administratives.
Zaharieva plaidera aussi pour que les États membres atteignent l'objectif de 3% du PIB consacré à la recherche et développement. Elle supervisera par ailleurs l'expansion du Conseil européen de l'innovation, une agence de soutien aux startups "à fort potentiel" dotée d'un budget de 10 milliards d'euros pour la période 2021-2027.
- Un "Innovation Act" pour fluidifier le cadre réglementaire.
- Plus de coopération public-privé en faveur des "deep tech".
- Des aides pour tester de nouvelles technologies en "bac à sable".
L'élue devra cependant composer avec des moyens budgétaires contraints, loin de l'effort d'investissement massif consenti par Washington avec son plan de relance post-Covid. Son principal défi sera d'optimiser chaque euro investi dans les startups et la R&D pour en maximiser les retombées.
Avec ces trois profils, Ursula von der Leyen espère insuffler un nouvel élan à la stratégie technologique européenne. L'enjeu : faire de l'UE un acteur digital de premier plan, à même de rivaliser avec les États-Unis et la Chine. Un sacré challenge !