Le Procès de Jay Y. Lee et l’Avenir de Samsung
C'est une période difficile qui s'annonce pour Samsung et son dirigeant Jay Y. Lee, alors que les procureurs sud-coréens ont requis lundi une peine de 5 ans de prison à son encontre dans le cadre du procès en appel sur des accusations de manipulation de cours de bourse et de fraude comptable. Une décision lourde de conséquences pour le géant de l'électronique, qui doit déjà faire face à un ralentissement de ses bénéfices.
Le feuilleton judiciaire de la succession chez Samsung
Le magnat de la tech de 54 ans, héritier de la dynastie fondatrice de Samsung, se retrouve une nouvelle fois sur le banc des accusés. Jay Y. Lee et 13 anciens cadres de Samsung avaient été acquittés en janvier 2023 des accusations de manipulation des prix des actions et de fraude comptable, en lien avec la fusion controversée de deux filiales de Samsung en 2015. Une opération qui avait permis à Lee de renforcer son emprise sur le conglomérat.
Mais le parquet a fait appel, estimant que les dirigeants de Samsung avaient eu recours à « des moyens illégaux et expéditifs sans hésitation » pour assurer la transmission du pouvoir à Jay Y. Lee, au détriment des autres actionnaires. Les procureurs ont demandé lundi la même peine qu'en première instance : 5 ans de prison et une amende de 500 millions de wons (375 000 dollars) pour le PDG.
« Le prévenu a porté atteinte aux fondements du marché des capitaux pour la succession du groupe », ont martelé les procureurs.
Une décision cruciale attendue début 2025
La décision en appel devrait être rendue entre janvier et février 2025, plus de 10 ans après les faits reprochés à Jay Y. Lee. Un verdict très attendu, qui devrait servir de référence pour la restructuration des "chaebols", ces empires familiaux tentaculaires qui dominent l'économie sud-coréenne.
En cas de condamnation, ce serait un nouveau coup dur pour le dirigeant, qui a déjà purgé une peine de prison dans une autre affaire de corruption et de trafic d'influence. Cela fragiliserait sa position à la tête de Samsung et pourrait ralentir la prise de décisions stratégiques, alors que le groupe doit affronter un contexte difficile sur le marché des semi-conducteurs.
Samsung, un colosse aux pieds d'argile ?
Malgré les tourments judiciaires de son patron, Samsung reste un titan mondial de la high-tech. Le groupe pèse à lui seul un cinquième du PIB de la Corée du Sud, avec des positions dominantes dans les smartphones, les téléviseurs ou les puces mémoire. Mais il est confronté à de nouveaux défis :
- La concurrence féroce des rivaux chinois comme Huawei ou Xiaomi
- La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine
- Le ralentissement de la demande mondiale de composants électroniques
Dans ce contexte tendu, le procès en appel de Jay Y. Lee ajoute une dose d'incertitude sur la gouvernance et la stratégie future de Samsung. Une condamnation serait un signal fort pour la nécessaire réforme des conglomérats familiaux en Corée du Sud, mais elle pourrait aussi déstabiliser le navire amiral de l'économie du pays.
Vers une « République de Samsung » plus transparente ?
Au-delà du cas Samsung, c'est tout le modèle des "chaebols" qui est remis en question en Corée du Sud. Ces empires industriels et financiers, souvent dirigés d'une main de fer par leur fondateur et sa famille, sont critiqués pour leur opacité, leurs liens troubles avec le pouvoir politique et le manque de contre-pouvoirs en interne.
Des dérives mises en lumière par plusieurs scandales retentissants, du naufrage du ferry Sewol en 2014 (propriété d'un « chaebol ») à « l'affaire Choi » en 2016, qui a précipité la destitution de la présidente Park Geun-hye, accusée de collusion avec certains grands groupes comme Samsung.
Face à la grogne de l'opinion publique, les autorités sud-coréennes tentent de pousser des réformes pour assainir la gouvernance des conglomérats et protéger les actionnaires minoritaires. Mais le chemin est encore long pour transformer la « République de Samsung » en une économie plus transparente et équilibrée.
Le procès en appel de Jay Y. Lee sera donc scruté de près par les marchés financiers et la société civile. Il pourrait marquer un tournant dans la lente métamorphose du capitalisme sud-coréen, tiraillé entre ses champions mondiaux et ses vieux démons.