Northvolt, Géant Européen des Batteries, en Faillite
Le secteur des batteries électriques vient de connaître un véritable séisme. Northvolt, le fleuron européen de la fabrication de batteries lithium-ion, a déposé le bilan la semaine dernière après des années de croissance fulgurante. Cette faillite inattendue ébranle tout l'écosystème de la mobilité électrique, à commencer par Volkswagen, son principal investisseur et partenaire.
L'ascension météorique de Northvolt
Fondée en 2016 en Suède, la startup Northvolt avait pour ambition de bâtir la plus grande usine de batteries en Europe pour répondre à la demande croissante liée à l'essor des véhicules électriques. Avec son slogan "Rendons l'Europe verte", la jeune pousse avait séduit de nombreux investisseurs comme Volkswagen, BMW ou Goldman Sachs, levant plus de 3 milliards d'euros.
En quelques années, Northvolt était devenu un acteur incontournable, nouant des partenariats avec les plus grands constructeurs automobiles. Son usine géante en Suède, d'une capacité de 32 GWh, devait fournir des batteries à Volkswagen, BMW, Scania et Volvo. Tout semblait sourire à cette pépite européenne partie pour détrôner les géants asiatiques.
Volkswagen mise gros sur Northvolt
Séduit par le projet de Northvolt, Volkswagen avait massivement investi dans la startup dès 2019, injectant plus de 1,4 milliard d'euros en plusieurs tours de table pour acquérir une participation substantielle. Le constructeur allemand voyait en Northvolt un levier stratégique pour sécuriser son approvisionnement en batteries en Europe et accélérer sa transition vers l'électrique.
Northvolt est un partenaire clé de notre offensive électrique. Leur expertise et leur capacité d'innovation vont nous aider à proposer les meilleures batteries pour nos futurs véhicules électriques.
Herbert Diess, PDG de Volkswagen en 2021
Des signaux d'alerte ignorés
Malgré une communication optimiste, des signaux inquiétants se multipliaient ces derniers mois chez Northvolt. La startup brûlait chaque mois près de 100 millions de dollars et peinait à monter en cadence sa production. En septembre dernier, elle avait dû se résoudre à licencier 1600 employés, soit un quart de ses effectifs, pour réduire ses coûts. Un plan social d'une telle ampleur dans une entreprise en hypercroissance avait de quoi alerter.
En novembre, nouveau coup dur : Northvolt cède une partie des actifs de Cuberg, un fabricant de batteries de nouvelle génération qu'elle avait racheté en 2021. Cette cession visait à renflouer les caisses mais témoignait des difficultés de trésorerie de l'entreprise. Malgré ces signaux préoccupants, Volkswagen et les autres investisseurs ont continué à afficher leur soutien à Northvolt. Une confiance qui s'est avérée mal placée.
Le couperet tombe : Northvolt jette l'éponge
Acculée, Northvolt a finalement dû se résoudre à déposer le bilan la semaine dernière, entraînant la fermeture de son immense usine en Suède inaugurée il y a moins de 2 ans. L'entreprise laisse derrière elle des milliers de salariés sur le carreau et des investisseurs floués, au premier rang desquels Volkswagen.
Le constructeur allemand voit s'envoler son investissement de 1,4 milliard d'euros qui ne vaudrait aujourd'hui plus que quelques centaines de millions. Un coup dur financier doublé d'un revers stratégique, puisque Volkswagen perd un fournisseur clé de batteries pour ses futurs modèles électriques.
Les raisons d'un échec
Comment expliquer une telle déroute ? Plusieurs facteurs semblent avoir précipité la chute de Northvolt :
- Une structure de coûts mal maîtrisée avec des investissements colossaux dans de nouvelles usines.
- Des difficultés à tenir les cadences et les prix promis aux clients, entraînant des pénalités et des renégociations de contrats.
- La concurrence féroce des géants asiatiques comme CATL ou LG Chem, qui ont l'avantage des volumes et des coûts.
- Le ralentissement des ventes de véhicules électriques lié à la crise économique et aux pénuries de semi-conducteurs, réduisant les besoins en batteries.
Malgré la qualité technologique reconnue de ses batteries, Northvolt semble avoir péché par excès d'ambition et de précipitation, brûlant les étapes dans une course à la taille critique. Un pari industriel et financier risqué dans un secteur très capitalistique où les effets d'échelle sont déterminants.
Les conséquences pour l'écosystème européen
Au-delà du cas Northvolt, c'est tout l'écosystème européen des batteries qui se trouve fragilisé. De nombreuses startups et usines ont vu le jour ces dernières années, surfant sur la vague de l'électrification, avec le soutien appuyé de l'Union Européenne qui a fait des batteries une priorité stratégique pour réduire la dépendance asiatique.
La faillite de Northvolt, considéré comme le champion européen, remet en question la viabilité de cette filière naissante. Elle pourrait freiner les ardeurs des investisseurs et inciter les constructeurs automobiles à la prudence dans leurs approvisionnements, privilégiant des fournisseurs asiatiques plus matures.
L'Europe aurait-elle vu trop grand, trop vite dans les batteries ? L'avenir nous le dira, mais une chose est sûre : la transition vers la mobilité électrique est un chemin semé d'embûches, y compris pour les acteurs les plus prometteurs. La faillite de Northvolt nous rappelle que dans la bataille mondiale des batteries, rien n'est jamais acquis.