ServiceTitan : Pionnière des introductions en bourse avec conditions
Quand la startup ServiceTitan a déposé la semaine dernière les documents pour son introduction en bourse, le monde de la tech s'est demandé si le marché des IPO, au point mort, se débloquait enfin. Hélas, probablement pas.
Mais ServiceTitan pourrait en fait être le signe avant-coureur d'un tout autre phénomène : une série de startups en phase avancée contraintes de s'introduire en bourse ou révélant des conditions d'investissement défavorables qu'elles ont dû accepter après l'effondrement du marché du capital-risque en 2022 et la chute des valorisations.
Des investissements à double tranchant
Alex Clayton, General Partner chez Meritech Capital, une firme spécialisée dans le stade avancé et réputée pour son analyse des introductions en bourse, nous explique :
Oui, nous verrons beaucoup plus de cas de ce genre à mesure que les entreprises de l'ère des taux zéro s'introduiront en bourse. On ne peut pas cacher ce genre de détails dans un document S-1, même s'ils sont difficiles à décrypter dans le jargon juridique.
– Alex Clayton, Meritech Capital
Lors de son dernier tour de table série H en novembre 2022, ServiceTitan a en effet accepté d'accorder à ces nouveaux investisseurs un mécanisme d'ajustement post-IPO dit « à intérêts composés". Cela signifie que pour chaque trimestre de retard après le 22 mai 2024, ServiceTitan devra accorder 11% d'actions supplémentaires à ces investisseurs, et ce de façon exponentielle.
Un compromis risqué
Les fondateurs acceptent souvent ce genre de conditions pour obtenir une valorisation plus élevée et éviter un « down round », c'est-à-dire une levée de fonds à une valorisation inférieure. Mais c'est une tactique risquée qui ne fait que repousser le problème.
Bill Gurley, fameux capital-risqueur et promoteur de la transparence dans les processus d'introduction en bourse, a qualifié ces pratiques de « term sheets sales » sur Twitter, appelant les entrepreneurs à les éviter.
Le début d'une tendance ?
Selon Alex Clayton, on devrait voir de plus en plus de cas similaires émerger dans les dossiers d'introduction en bourse, du fait des difficultés rencontrées en 2022 par de nombreuses startups pour maintenir leurs valorisations.
Cela ne signifie pas pour autant que la fenêtre des IPO est en train de se rouvrir. Miles Dieffenbach, responsable des investissements pour le fonds de dotation de Carnegie Mellon, a commenté :
ServiceTitan ne s'introduit pas en bourse parce que la fenêtre est « ouverte », mais à cause de ce mécanisme d'ajustement exponentiel issu de son dernier tour. S'ils avaient pu lever des fonds à des conditions normales, je parie qu'ils seraient restés privés !
– Miles Dieffenbach, Carnegie Mellon
En conclusion
Le cas de ServiceTitan illustre parfaitement les pièges dans lesquels peuvent tomber les startups en quête de financement :
- Des clauses d'investissement toxiques pour préserver la valorisation
- Une obligation de s'introduire en bourse dans des conditions défavorables
- Une dilution massive des fondateurs et premiers investisseurs
Dans un marché volatile et incertain, la recherche du juste prix devrait primer sur les considérations de valorisation à court terme. Quitte à décevoir en levant moins, mais à des conditions saines. C'est le prix d'un écosystème startup pérenne et équilibré.