La BCE ne peut pas résoudre les problèmes structurels avec des baisses de taux
Alors que les marchés anticipent de nouvelles baisses des taux directeurs de la Banque Centrale Européenne (BCE) dans les mois à venir, Isabel Schnabel, membre de son conseil des gouverneurs, met en garde. Selon elle, abaisser trop fortement les taux dans l'espoir de stimuler la croissance ne résoudrait en rien les problèmes structurels profonds qui minent l'économie de la zone euro.
Des baisses de taux inefficaces face aux failles structurelles
Isabel Schnabel balaie l'argument selon lequel ramener le taux de dépôt de la BCE, aujourd'hui à 3,25%, vers 1,75% d'ici fin 2024 doperait suffisamment l'activité. De nombreux économistes jugent pourtant ce niveau à même de relancer la machine économique. Mais pour la banquière centrale, les mesures de relance monétaire sont impuissantes face aux dysfonctionnements structurels.
Pire, cela pourrait priver l'institution de « munitions » précieuses en cas de choc économique nécessitant une réponse rapide et vigoureuse. La politique monétaire ultra-accommodante post-crise financière puis Covid a déjà épuisé une bonne partie de ses cartouches.
Vers un taux "neutre" plutôt qu'accommodant
« Au regard des perspectives d'inflation, je pense que nous pouvons progressivement nous rapprocher de la neutralité si les données entrantes continuent de confirmer notre hypothèse de base », a déclaré Isabel Schnabel à Bloomberg. Le fameux taux neutre, qui ne stimule ni ne freine la croissance, semble ainsi sa boussole.
Je mettrais en garde contre une évolution trop importante, c'est-à-dire vers un territoire accommodant. Je ne pense pas que cela soit approprié dans la perspective actuelle.
Isabel Schnabel, membre du conseil des gouverneurs de la BCE
Des risques inflationnistes plus équilibrés
Certains responsables de la BCE plaident pour une baisse plus rapide des taux, voire une relance, alors que l'inflation reflue plus vite que prévu. Mais Isabel Schnabel ne voit « pas de risque significatif d'une inflation en dessous de l'objectif, en particulier un risque qui justifierait une réponse » de l'institution.
Elle ne prévoit d'ailleurs pas de récession en zone euro. Et observe des signes d'une reprise tirée par la consommation, conformément aux dernières projections de la BCE tablant sur un redressement modeste.
Réformes structurelles et investissements, la clé de la croissance durable
Les propos d'Isabel Schnabel mettent en lumière les limites de la politique monétaire. Si les banques centrales peuvent amortir des chocs ponctuels, elles ne peuvent se substituer à des réformes structurelles d'ampleur pour doper durablement la croissance potentielle.
Flexibiliser les marchés du travail, favoriser la diffusion des innovations, investir massivement dans l'éducation, la recherche, les infrastructures... Autant de leviers structurels indispensables pour muscler une économie européenne à la peine. Mais cela relève des gouvernements, pas des banquiers centraux.
Ces derniers en sont bien conscients. Tout en adaptant leur politique monétaire au contexte, ils ne cessent d'appeler les États à prendre leurs responsabilités pour renforcer le potentiel de long terme, seul gage d'une prospérité durable. Un vœu pieux pour l'heure, tant le volontarisme réformateur se heurte aux résistances politiques et sociales.
- La BCE ne peut résoudre les problèmes structurels de la zone euro par la seule politique monétaire.
- Des baisses de taux trop importantes vers un niveau accommodant seraient inappropriées dans le contexte actuel.
- Des réformes structurelles d'ampleur par les États sont indispensables pour doper durablement la croissance potentielle.