Près de 27 milliards d’euros d’aides à l’industrie, mais une efficacité inégale
Alors que l'industrie française peine à retrouver son lustre d'antan, l'État n'a pourtant pas lésiné sur les moyens ces dix dernières années. Comme le révèle le dernier rapport de la Cour des Comptes, le secteur industriel a bénéficié de près de 27 milliards d'euros par an de soutiens publics entre 2020 et 2022, contre 17 milliards auparavant. Des montants conséquents, mais aux résultats mitigés pour l'instant. Tour d'horizon d'une réindustrialisation qui se cherche encore.
Une réindustrialisation à la peine malgré les aides
Si le déclin de l'industrie tricolore semble enrayé, sa part dans la valeur ajoutée nationale stagne autour de 14% depuis 2011, loin des niveaux italiens (17%) ou allemands (18%). L'emploi industriel s'est certes stabilisé, mais ne représente plus que 10% des emplois en France. Un bilan en demi-teinte, alors que l'État a dégainé les grands moyens, notamment depuis la crise sanitaire.
Entre 2020 et 2022, le soutien public à l'industrie a grimpé à 26,8 milliards d'euros par an en moyenne, soit une hausse de près de 60% par rapport à la période 2012-2019. Un effort budgétaire conséquent, qui englobe subventions, incitations fiscales comme le crédit d'impôt recherche, mais aussi prêts et avances remboursables. Sans oublier les prises de participation au capital d'entreprises stratégiques.
Des politiques de soutien trop peu ciblées
Mais pour les sages de la rue Cambon, ces aides ne sont "pas assez ciblées sur l'industrie". Exemple avec les allègements de cotisations mis en place depuis 2014, qui profitent davantage aux services, moins rémunérateurs que les emplois industriels. La Cour recommande aussi d'ajuster le CIR ou de poursuivre la baisse des impôts de production, mais à enveloppe constante.
Car le nerf de la guerre reste le ciblage et la cohérence des mesures. Les magistrats pointent "l'instabilité des dispositifs en France", là où nos voisins misent sur la pérennité et la continuité, à quelques exceptions comme l'aéronautique. Une critique récurrente adressée aux fameux "plans de relance" et autres initiatives en faveur de l'industrie du futur, jugés "peu concluants" dans l'ensemble.
Cap sur la transition écologique et numérique
Alors, comment optimiser cette manne considérable ? Pour la Cour des Comptes, l'État doit mieux définir ses priorités sectorielles et technologiques. Et miser sur les grands défis d'avenir : décarbonation de l'industrie, relocalisations, montée en gamme, transformation digitale... Des chantiers déjà identifiés, mais qui nécessiteront des efforts constants et ciblés.
Autre levier à actionner : la formation et l'attractivité des métiers industriels, alors que les difficultés de recrutement freinent la reprise. Enfin, il s'agira de muscler l'accompagnement des PME et ETI dans leurs projets d'innovation et d'internationalisation. Avec en toile de fond, la quête d'une véritable politique industrielle européenne pour faire face à la concurrence mondiale.
"La France doit reconstruire une véritable stratégie industrielle de long terme, en concentrant ses moyens sur quelques priorités essentielles, au premier rang desquelles la transition écologique et énergétique." (Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes)
Après dix années d'efforts budgétaires massifs mais dispersés, l'heure est donc venue de faire des choix. Pour espérer enfin réindustrialiser durablement le pays et construire les champions nationaux de demain. Un défi aussi difficile qu'impératif, alors que les crises à répétition rappellent l'importance stratégique d'un tissu productif solide et résilient.