Comment la simplification des normes va booster l’industrie française
L'industrie française va-t-elle enfin pouvoir respirer ? C'est en tout cas le souhait du gouvernement qui engage un vigoureux chantier de simplification des normes et procédures, jugées trop lourdes et complexes par les entreprises. Lors d'un déplacement à Limoges le 29 novembre, le Premier ministre Michel Barnier a dévoilé une série de mesures pour alléger les contraintes qui pèsent sur l'industrie et l'aider à accélérer sa transformation verte.
L'industrie exemptée du Zéro artificialisation nette pendant 5 ans
Première annonce phare : tous les projets industriels seront exemptés du Zéro artificialisation nette (ZAN) pendant une durée de 5 ans. Instauré par la loi Climat et Résilience de 2021, le ZAN vise à réduire par deux l'artificialisation des sols d'ici 2030. Un casse-tête pour les collectivités locales qui doivent arbitrer entre logements et activités économiques sur un foncier de plus en plus rare.
Cette exemption temporaire du ZAN pour l'industrie lève un frein important selon le gouvernement. Mais elle risque de faire grincer des dents les défenseurs de l'environnement, déjà vent debout contre certains assouplissements de la loi Industrie verte. Une évaluation est prévue dans 5 ans pour faire le point.
Les grands projets industriels dispensés de débat public
Deuxième mesure d'importance : les projets industriels seront exclus du champ de la Commission nationale du débat public. Jusqu'à présent, les investissements de plusieurs centaines de millions d'euros comme les gigafactories ou grands projets d'hydrogène vert devaient passer par cette instance. Son contournement permettra un gain de temps de 6 à 12 mois selon Matignon.
Toujours dans une logique d'accélération, le gouvernement veut aussi supprimer le double degré de juridiction dans les procédures contentieuses sur les projets industriels.
Vers une CSRD allégée et un devoir de vigilance revu
Au-delà de ces mesures ciblées sur l'industrie, l'exécutif promet un grand ménage dans la réglementation applicable à toutes les entreprises. La loi de Simplification, adoptée en première lecture au Sénat, passera à l'Assemblée dès janvier. Elle prévoit notamment un "test PME" pour évaluer l'impact de toute nouvelle législation sur les petites et moyennes entreprises.
Sur le reporting extra-financier, le gouvernement va dépénaliser les sanctions liées à la CSRD, la directive européenne sur la publication d'informations en matière de durabilité. Transposée tambour battant par la France dès 2023, elle est décriée comme un "monstre bureaucratique" par de nombreux dirigeants.
La CS3D, qui étendra le devoir de vigilance à davantage d'entreprises en Europe, est aussi dans le viseur. La France veut limiter son application aux sociétés de plus de 5000 salariés et milite pour la création d'une catégorie ETI au niveau européen, afin de les préserver d'obligations trop lourdes.
La Commission a complètement changé de mindset. Sous pression de ses États et alarmée par le volontarisme américain, elle promet de simplifier en particulier la CSRD, CS3D et la taxonomie.
Michel Barnier, Premier ministre
Vers une "omnibus law" européenne de simplification ?
Si les marges de manœuvre sont limitées en France par le cadre européen, Michel Barnier mise sur une "omnibus law" à Bruxelles qui toiletterait l'ensemble des textes et de la bureaucratie ralentissant les entrepreneurs du Vieux Continent. La nouvelle Commission, qui entrera en fonction le 1er décembre, s'est engagée en ce sens.
Des annonces qui vont dans le bon sens pour le patronat, même si certains auraient souhaité aller plus loin. Patrick Martin, président du Medef, juge ainsi la CSRD porteuse "d'hypercomplexité". Quant au ZAN, son impact réel dépendra de l'accueil des écologistes et élus locaux.
Une chose est sûre : simplifier est plus que jamais un impératif pour le gouvernement, s'il veut tenir ses promesses de réindustrialisation. Car comme le dit l'adage, "trop de normes tue la norme", et dans un contexte de compétition internationale exacerbée, l'industrie française a besoin d'oxygène pour se relever et investir.