L’avenir de la robotique humanoïde s’écrit à Nancy
La robotique humanoïde est en ébullition. Avec les avancées spectaculaires de l'intelligence artificielle ces dernières années, notamment l'émergence des grands modèles génératifs multi-tâches, les robots commencent à rêver d'autonomie. C'est dans ce contexte effervescent que Nancy a accueilli du 22 au 24 novembre la 23e édition de la conférence Humanoids, LE grand raout annuel de la robotique humanoïde. Avec plus de 700 participants et une trentaine de démos, l'événement a battu des records d'affluence, tant humaine que robotique. Pourtant, les stars de la Silicon Valley, très médiatisées mais controversées, ont brillé par leur absence.
Des robots par dizaines, mais pas d'Optimus ni d'Atlas
Organisatrice de l'événement, Serena Ivaldi, chercheuse en robotique humanoïde à Inria, se félicite de voir enfin les industriels s'intéresser à ces machines longtemps considérées comme de coûteux prototypes. Outre la conférence académique, l'ouverture au grand public et les compétitions comme Eurobin ont contribué à rassembler un nombre inédit de robots, des humanoïdes bipèdes aux quadrupèdes en passant par des modèles à roues. Des acteurs chinois comme Unitree ou Booster Robotics ont notamment fait le déplacement.
En revanche, aucune trace des médiatiques sociétés américaines comme Tesla avec son Optimus, Boston Dynamics et son Atlas, ou encore la startup Figure. Selon Serena Ivaldi, « Tesla, Figure ou Boston Dynamics n'ont jamais montré leurs robots à des scientifiques ». L'ouverture d'Humanoids au public est d'ailleurs un moyen de montrer la réalité derrière les vidéos promotionnelles.
L'IA générative suscite autant d'espoirs que de doutes
La Silicon Valley promet une révolution en robotique grâce aux grands modèles d'IA dits « fondations », comme ceux de Tesla (AutoML), Google (X-Embodiment) ou OpenAI. L'objectif : créer des modèles polyvalents et adaptables à n'importe quel robot, à la manière des modèles DALL-E ou GPT-3 pour le texte et l'image. Mais les chercheurs restent circonspects.
Les modèles de fondation sont fantastiques pour donner des consignes en langage naturel aux robots, mais leur intérêt à plus bas niveau reste à démontrer. D'autant plus que leur consommation d'énergie est démesurée.
– Serena Ivaldi, chercheuse à Inria
De plus, pour des projets comme X-Embodiment, Google demande surtout aux laboratoires de lui fournir des données pour entraîner ses modèles, sans assurance qu'ils soient utilisables sur des robots académiques aux ressources limitées.
La recherche publique joue la carte du collaboratif et de l'open source
Face aux géants privés, la recherche publique fait front commun. Inria, très présent à Nancy, a ainsi présenté une douzaine de projets, du contrôle de robots quadrupèdes aux algorithmes de simulation pour robots souples. D'après le chercheur Justin Carpentier, « Nous misons sur une approche open source et modulaire », en développant des briques logicielles interopérables et libres de droits.
A l'instar du moteur de calcul Pinocchio ou du simulateur Sofa, des logiciels issus de la recherche sont déjà largement utilisés dans l'industrie comme l'académie. L'objectif est de les intégrer dans un framework complet pour faciliter leur utilisation par tous les roboticiens.
L'humanoïde n'a pas dit son dernier mot
Entre le pragmatisme de la recherche et les promesses de la Silicon Valley, l'avenir de la robotique humanoïde reste à écrire. Mais les tendances sont claires :
- Les progrès de l'IA, du matériel et de l'algorithmique convergent pour faciliter la conception et la programmation de robots complexes.
- Les acteurs industriels se positionnent sur le créneau, surtout en Chine et aux États-Unis.
- La recherche académique continue d'innover, avec une approche ouverte et un accent mis sur l'utilisabilité des modèles.
Loin du tapage médiatique, c'est probablement dans les laboratoires que se joue la véritable (r)évolution des robots humanoïdes. Avec la promesse d'assister les humains dans de nombreux domaines tout en soulevant des questions éthiques profondes. Un chemin encore long et semé d'embûches, comme en témoigne l'absence des stars de la Big Tech à Nancy, mais que la recherche publique semble déterminée à tracer.