
Supervision fédérale de Google : Un défi juridique complexe
Vendredi dernier, une annonce du Consumer Financial Protection Bureau (CFPB) a fait l'effet d'une bombe dans la Silicon Valley. Le gendarme financier américain a en effet décidé de placer la branche paiement de Google sous supervision fédérale, au même titre que les grandes banques. Une décision immédiatement contestée par le géant du web, qui a déposé un recours en justice pour tenter de bloquer cette mise sous tutelle.
Google Pay dans le collimateur des autorités
Concrètement, cette supervision impliquerait pour Google de se soumettre aux mêmes inspections et contrôles que les institutions financières traditionnelles, afin de s'assurer du respect de la législation en vigueur. Le CFPB justifie cette décision par les risques que ferait peser Google Pay sur les consommateurs :
Placer une entreprise sous supervision n'est pas une preuve de malversation, mais cela indique que la société présente des "risques pour les consommateurs"
– CFPB
Le régulateur évoque notamment des plaintes concernant des transactions erronées non investiguées, ainsi qu'un manque de mesures anti-fraude. Des griefs fermement rejetés par Google, qui conteste la compétence même du CFPB sur ce dossier.
Un service de paiement peer-to-peer déjà suspendu
L'entreprise souligne que les plaintes citées concernent un service de paiement entre particuliers (peer-to-peer) de Google Pay, qui a été depuis lors suspendu aux États-Unis. Pour Google, il s'agit donc clairement d'un « abus de pouvoir » du CFPB, qu'elle entend combattre devant les tribunaux.
C'est un cas clair d'abus de pouvoir impliquant des paiements P2P de Google Pay, qui n'ont jamais présenté de risques et ne sont plus proposés aux États-Unis. Nous contestons cette décision en justice.
– Porte-parole de Google
Une nouvelle réglementation des wallet numériques
Cette supervision découle en fait d'une nouvelle réglementation du CFPB, finalisée récemment, qui étend son champ d'action aux services de paiement et portefeuilles numériques. Google n'est donc probablement que la première d'une longue série de batailles à venir entre la Big Tech et ce « super-régulateur » créé après la crise financière de 2008.
Car au-delà de Google Pay, ce sont bien les ambitions des GAFAM dans la finance qui sont dans le viseur. De Apple Pay à Facebook Pay en passant par Amazon et les projets de cryptomonnaies, les mastodontes de la tech lorgnent tous un secteur en pleine mutation, entre boom des fintechs et basculement accéléré vers le numérique avec la pandémie.
Un avenir incertain, suspendu aux élections
Quelle que soit l'issue de la procédure judiciaire initiée par Google, la donne pourrait à nouveau changer avec l'arrivée au pouvoir de Donald Trump en janvier prochain. La prise de contrôle de l'administration et des agences fédérales par les Républicains laisse en effet planer le doute sur le sort de ce type de réglementation.
Entre avis divergents au Congrès et volonté affichée de « déréguler », il n'est pas exclu que le CFPB lui-même soit remis en cause dans ses prérogatives. Sans parler des nombreux soutiens dont bénéficie la Silicon Valley au sein du parti conservateur, bien plus réticent à toute forme de régulation des géants du numérique.
- Le CFPB affirme son autorité sur les services de paiement numériques
- Google conteste en justice toute malversation et la compétence du régulateur
- L'avenir de cette supervision pourrait dépendre du résultat des élections
Une chose est sûre : l'issue de ce bras de fer entre régulateurs et géants technologiques sera lourde de conséquences. Car il en va de la protection des consommateurs, mais aussi de l'équilibre des pouvoirs dans une économie de plus en plus façonnée par le numérique. Les prochains mois s'annoncent déterminants.