Bridge Energies: Stockage Carbone Innovant en Seine-et-Marne
Alors que l'urgence climatique appelle à une décarbonation massive de l'industrie, un projet prometteur se profile en Île-de-France. L'exploitant pétrolier Bridge Energies envisage de convertir son champ de Nonville, en Seine-et-Marne, en site de stockage géologique de CO2. Une initiative qui pourrait offrir une solution locale aux émetteurs franciliens dès 2030. Plongée dans un projet d'avenir.
Du pétrole au carbone : la reconversion verte d'un champ pétrolier
Située à une soixantaine de kilomètres au sud-est de Paris, la concession pétrolière de Nonville, exploitée par Bridge Energies, s'apprête à prendre un virage inattendu. Alors que la production de brut devrait se poursuivre jusqu'en 2039, la compagnie a soumis à l'État un projet de stockage souterrain de CO2. L'idée ? Collecter le dioxyde de carbone émis par les industries voisines et l'injecter dans les réservoirs géologiques du champ, à plus de 2000 mètres sous terre.
Un pari audacieux, qui s'inscrit dans la droite ligne des ambitions françaises de neutralité carbone. Car le captage et stockage du carbone (CCS) apparaît comme un levier incontournable pour décarboner les secteurs les plus émissifs, comme la cimenterie, la sidérurgie ou encore la pétrochimie. Des industries fortement présentes en Île-de-France et qui pourraient trouver à Nonville une solution de proximité pour gérer leurs émissions résiduelles.
Un potentiel de stockage prometteur
D'après les premières estimations, le site de Nonville pourrait accueillir entre 100 000 et 300 000 tonnes de CO2 par an, avec une mise en service espérée à l'horizon 2030. Des chiffres qui restent à affiner, mais qui témoignent d'ores et déjà du potentiel de ce projet pionnier pour la décarbonation industrielle francilienne.
Bridge Energies prévoit une phase d'essai dès 2026-2027, avec l'injection de premières quantités de CO2 dans un ou plusieurs puits dédiés. L'occasion de valider la faisabilité technique et la sécurité du stockage, sous le contrôle des autorités. Car l'enjeu est aussi de garantir l'acceptabilité sociale et environnementale de cette nouvelle activité pour le territoire.
Bâtir une filière CCS en Île-de-France
Au-delà de sa capacité intrinsèque, le projet de Nonville pourrait servir de démonstrateur pour le déploiement du captage et stockage de carbone dans le Bassin parisien. Une région qui concentre de nombreux émetteurs industriels, mais qui ne dispose pas à ce jour de site de séquestration opérationnel.
Le développement d'une filière CCS en Île-de-France est un enjeu stratégique pour atteindre la neutralité carbone. Le projet de Nonville ouvre la voie et pourrait faire des émules.
Julien Denormandie, directeur associé au Boston Consulting Group
Reste à bâtir l'écosystème nécessaire à l'essor de cette filière d'avenir. Cela suppose de fédérer les industriels pour massifier les volumes, de déployer les infrastructures de collecte et de transport du CO2, et d'assurer un modèle économique viable sur le long terme. Des défis de taille, que les acteurs publics et privés devront relever main dans la main.
Le CCS, un outil de décarbonation parmi d'autres
Le captage et stockage géologique du carbone suscite beaucoup d'espoirs pour réduire l'empreinte environnementale de l'industrie lourde. Pour autant, il ne saurait constituer une solution miracle ou un droit à polluer. Avant d'enfouir le CO2, la priorité reste de réduire les émissions à la source, en accélérant la transition vers des procédés bas-carbone et des énergies renouvelables.
Mais pour les émissions incompressibles, le CCS peut offrir un complément utile, en attendant des technologies de rupture comme l'hydrogène vert. À condition de l'encadrer rigoureusement et de l'intégrer dans une stratégie globale de décarbonation. C'est tout l'enjeu des années à venir pour l'industrie francilienne, qui devra conjuguer tous les leviers pour atteindre la neutralité carbone.
Le projet de Bridge Energies à Nonville marque une première étape prometteuse dans cette direction. Voilà qui conforte l'Île-de-France dans son ambition de rester une grande région industrielle, tout en relevant le défi climatique. Un territoire d'innovation, où les vieilles énergies fossiles peuvent devenir de nouveaux puits de carbone. La boucle est bouclée.