Coup de frein sur les investissements industriels en 2024
Après plusieurs années fastes, un coup de frein brutal vient d'être donné aux investissements industriels dans le monde. Selon le dernier baromètre de Trendeo, réalisé en partenariat avec McKinsey, les montants annoncés ont chuté de 26% en 2024 pour atteindre 1120 milliards de dollars. Une baisse qui touche la plupart des secteurs et zones géographiques, mais avec quelques nuances importantes. Décryptage.
Désindustrialisation : les secteurs les plus impactés
Premier enseignement de cette étude : le secteur manufacturier apparaît comme la principale victime de cette baisse des investissements. Selon les données compilées par Trendeo, qui recense les projets de plus de 30 millions de dollars, les montants prévus sont passés de 1062 milliards en 2023 à 668 milliards en 2024 dans ce secteur. À l'inverse, certains domaines tirent leur épingle du jeu :
- Les investissements dans les datacenters progressent de 16% en valeur
- Le nombre de projets miniers et pétroliers est en hausse de 15%
Comme le souligne David Cousquer, fondateur de Trendeo, il ne faut pas y voir une catastrophe industrielle pour autant. Après des années marquées par des méga-projets, à l'image des 230 milliards de dollars annoncés par Samsung sur 20 ans, un tassement était prévisible.
Chute de 10% des investissements industriels en France
La France n'échappe pas à cette tendance baissière. En 2024, les montants des projets industriels identifiés par Trendeo ont reculé de 10% dans l'Hexagone. Un repli qui intervient cependant après une forte hausse ces dernières années, tirée en grande partie par les plans de soutien publics France Relance puis France 2030.
La nouvelle géographie mondiale des usines
Au-delà d'un tassement conjoncturel, l'étude de Trendeo met en lumière une profonde reconfiguration de la carte industrielle mondiale. Et les grands gagnants se nomment États-Unis. Le pays de l'Oncle Sam a capté à lui seul 29% des annonces d'investissements industriels dans le monde en 2024.
Depuis 2016, les investissements industriels augmentent en moyenne de 6% par an outre-Atlantique. Une dynamique portée à 50% par les entreprises étrangères.
David Cousquer, fondateur de Trendeo
Cette success-story américaine doit beaucoup aux plans volontaristes mis en place par l'administration Biden ces dernières années, de l'Inflation Reduction Act dans les technologies vertes au Chips Act pour les semi-conducteurs. Des incitations qui devraient perdurer malgré le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.
L'Asie et l'Inde détrônent la Chine
Dans le même temps, la Chine marque clairement le pas. L'Empire du Milieu ne représente plus que 7% des investissements industriels mondiaux en 2024, derrière le reste de l'Asie et l'Inde. Un recul qui profite notamment à des pays comme le Vietnam, la Malaisie ou l'Indonésie.
L'Europe progresse doucement
Dans ce grand jeu mondial des relocalisations, l'Union européenne tire progressivement son épingle du jeu. Le Vieux Continent a attiré 12% des investissements industriels en 2024. Mieux, il grignote des parts de marché sur les projets les plus importants, au-delà du milliard de dollars : 17% d'entre eux doivent se réaliser en Europe, contre seulement 4% en 2016.
Des marges de progression existent donc pour réindustrialiser l'Europe. Car comme le note David Cousquer, les entreprises du continent ont les moyens d'investir, mais elles le font encore trop souvent à l'étranger, en particulier aux États-Unis. Réussir à garder ces projets en Europe constitue un enjeu majeur pour les années à venir. C'est tout le sens du rapport Draghi remis récemment à la Commission européenne.