EDF et industriels : Vers un accord sur l’électricité ?
Alors que le prix de l'électricité est au cœur des préoccupations, EDF et les industriels électro-intensifs tentent de s'accorder sur des contrats de long terme pour sécuriser l'approvisionnement électrique à des tarifs compétitifs. Entre enjeux cruciaux pour l'avenir de l'industrie française et difficultés à s'entendre, retour sur un dossier complexe et des négociations qui piétinent, malgré l'urgence.
Un nouveau rendez-vous en janvier pour tenter d'avancer
Jeudi 5 janvier, les différentes parties prenantes se sont réunies au ministère de la Transition écologique pour faire un point d'étape sur les discussions en cours. Si peu d'avancées concrètes sont à noter, un nouveau calendrier a été fixé avec une prochaine rencontre prévue mi-janvier entre l'État, les industriels et EDF.
L'objectif affiché est ambitieux : parvenir à environ 20 TWh de consommation annuelle couverts par des lettres d'intention d'ici fin janvier, en vue de la signature définitive de contrats d'allocation de production nucléaire (CAPN) de long terme. Un défi de taille au vu des divergences persistantes sur les prix.
Des négociations sur les prix qui achoppent
Industriels et EDF peinent en effet à s'entendre sur le prix de ces fameux CAPN. D'une durée d'environ 15 ans, ces contrats doivent permettre aux électro-intensifs de bénéficier de tarifs compétitifs en échange d'une avance de fonds. Mais pour l'heure, le volume concerné par les lettres d'intention signées est insuffisant.
Les industriels sont partants, mais pas sur le fondement d'un contrat à 68 euros le mégawattheure. Quand cet accord a été signé, l'idée n'était pas de proposer aux industriels un prix de marché. EDF doit baisser son prix.
Un bon connaisseur du dossier
Une position partagée par les représentants des électro-intensifs qui jugent le haut de la fourchette de prix "hors des clous". Le bras de fer est engagé avec EDF et son PDG Luc Rémont, qui semble néanmoins ouvert à la discussion.
L'idée d'une "médiation flash" sur le coût de production
Face aux désaccords persistants sur les prix, les industriels électro-intensifs ont réclamé une "médiation flash". L'objectif ne serait pas de fixer un tarif, mais d'estimer précisément le coût de production sous-jacent qui servirait de base aux négociations avec EDF.
Une proposition délicate à mettre en œuvre pour l'État, qui doit veiller à ne pas interférer de manière disproportionnée au risque de se voir accusé par Bruxelles d'apporter un soutien illicite aux industriels. L'exécutif surveille toutefois le dossier de près.
La chute du gouvernement complique la donne
Si le renversement du gouvernement Borne pouvait laisser espérer une inflexion politique, la réunion de jeudi a finalement déçu les opposants au cadre de régulation post-Arenh. Malgré l'absence de majorité claire, le futur système ne semble pas devoir être fondamentalement revu à ce stade.
On ne peut pas appeler cela une clause de revoyure, car on ne sent pas vraiment d'ouverture pour faire un vrai bilan de l'accord. Nous avons pourtant été plusieurs à réclamer une remise à plat des solutions sur la table, jusqu'à l'étude de l'option du CFD.
Géry Lecerf, président de l'Afieg
L'Association française indépendante de l'électricité et du gaz (Afieg) met notamment en avant l'idée d'un contrat sur la différence (CFD), un mécanisme de régulation qui n'a pas été retenu en novembre 2023 mais est poussé par une commission d'enquête sénatoriale.
L'enjeu crucial de la liquidité du marché de gros
Parmi les revendications des énergéticiens alternatifs figure également la question de la liquidité du marché de gros de l'électricité au-delà de trois ans. Un point sur lequel EDF semble prêt à avancer, même si le système d'enchères proposé jusqu'ici ne satisfait pas complètement l'Afieg.
L'accord trouvé en novembre 2023 prévoit en effet de développer les contrats à moyen terme (4-5 ans) pour apporter de la visibilité aux entreprises. Mais sans liquidité suffisante, les acteurs alternatifs craignent de ne pouvoir être compétitifs face à EDF.
Un calendrier législatif bousculé
Enfin, l'instabilité politique actuelle fait aussi peser une incertitude sur le volet législatif du dossier. Le projet de loi de finances pour 2025 devait créer un nouvel outil de régulation des prix, via un mécanisme de captation des revenus d'EDF en cas de flambée des cours.
Avec la chute du gouvernement, l'adoption du texte d'ici fin 2024 semble compromise. Le ministère de la Transition écologique a néanmoins laissé entendre qu'un projet de loi de finances rectificative pourrait réintégrer cette mesure. De quoi relancer les critiques sur le caractère prématuré de cette régulation.
Malgré un contexte politique incertain, la pression reste donc forte sur EDF et les industriels pour parvenir à un terrain d'entente sur les contrats de long terme. Un dossier complexe aux enjeux cruciaux pour l'avenir du modèle électrique français, qui nécessitera encore de longues et âpres négociations dans les semaines à venir.