Les Incertitudes du Stockage du CO2 : Défis et Perspectives
Alors que l'urgence climatique se fait de plus en plus pressante, le captage et le stockage du CO2 apparaissent comme des solutions incontournables pour réduire nos émissions. Si les capacités théoriques de stockage dans les sous-sols sont colossales, la réalité est plus nuancée. Entre caractérisation des sites, investissements nécessaires et nouvelles pistes comme la minéralisation, le chemin vers un déploiement massif est encore long et semé d'embûches.
Le Paradoxe des Capacités de Stockage
Selon les estimations du GIEC, plus de 1000 gigatonnes de CO2 pourraient être stockées dans les sous-sols terrestres et marins. Un chiffre vertigineux qui dépasse largement les besoins, évalués à 6 gigatonnes à l'horizon 2050 par l'Agence Internationale de l'Énergie. Pourtant, seules 49 millions de tonnes sont actuellement séquestrées chaque année. Pourquoi un tel écart ?
Des Réservoirs Déplétés aux Aquifères Salins
Deux types de réservoirs sont principalement ciblés pour le stockage géologique :
- Les réservoirs déplétés, anciennes exploitations de gaz ou de pétrole, bien connus et caractérisés.
- Les aquifères salins, formations géologiques profondes contenant de l'eau salée, aux capacités importantes mais moins bien connues.
Si les seconds offrent un potentiel supérieur, leur caractérisation peut prendre jusqu'à 10 ans selon Valentin Guillon, expert de l'IFPEN. Un travail de longue haleine avant de pouvoir les exploiter.
Même sur un réservoir déplété, les choses mettent rarement moins que 5 à 7 ans.
Valentin Guillon, expert stockage géologique à l'IFPEN
L'Épineuse Question des Investissements
Outre l'aspect technique, c'est le financement des projets qui cristallise les tensions. Comme le souligne un rapport du Conseil Général de l'Économie, émetteurs et stockeurs sont dans une impasse, chacun attendant des garanties de l'autre pour lancer les investissements nécessaires :
Les émetteurs et les stockeurs doivent effectuer des tests et construire des infrastructures coûteuses. Cependant, aucun des deux n'envisagerait un investissement sans avoir la garantie d'une rentabilité minimale.
Rapport CGE et IFPEN
Conséquence : seuls 6 projets sur 36 sont actuellement opérationnels en Europe, loin des objectifs fixés de 50 millions de tonnes captées et stockées en 2030 dans l'UE. La France, avec son appel à manifestation d'intérêt lancé en avril, espère rattraper son retard.
La Piste Prometteuse de la Minéralisation
Face à ces difficultés, une troisième voie émerge : la minéralisation du CO2. Plutôt que de l'injecter sous forme gazeuse, il est dissous dans l'eau puis mis en contact avec des roches basaltiques pour former du calcaire. Une technologie déjà éprouvée avec le projet CarbFix en Islande :
Depuis 2014, 100 000 tonnes de CO2 ont été injectées dans le sous-sol islandais.
CarbFix
Si les besoins de caractérisation diffèrent et qu'aucune estimation globale de capacité n'existe encore, la large répartition des roches ciblées sur la planète en fait une piste sérieuse à explorer selon les experts.
Tisser les Maillons de la Chaîne
Dernier défi et non des moindres : transporter le CO2 des sites de captage vers les zones de stockage. Là encore, presque tout est à construire, même si des partenariats stratégiques se mettent en place, à l'image de celui noué entre GRTgaz et Equinor :
L'objectif est de coordonner la réalisation d'un réseau de collecte avec une station de compression et l'injection dans un pipeline offshore vers des stockages en Norvège.
Geoffroy Anger, GRTgaz
De telles synergies seront indispensables pour créer une véritable filière intégrée. Le chemin est encore long, mais les bases d'un déploiement à grande échelle se mettent progressivement en place. Face à l'urgence climatique, il est crucial d'accélérer la cadence pour faire du stockage du carbone un pilier de la neutralité.