Transparence énergétique : un défi pour les géants de l’IA
Alors que l'intelligence artificielle (IA) connaît un essor fulgurant, son impact sur la consommation énergétique mondiale soulève de plus en plus de questions. Face à l'appétit gargantuesque des datacenters et des algorithmes d'IA, les géants de la tech sont appelés à faire preuve de davantage de transparence sur leur consommation réelle et leurs besoins futurs. Un enjeu crucial pour mieux anticiper et répondre à cette nouvelle donne énergétique.
L'IA, une source de consommation énergétique en pleine explosion
Si les datacenters ne représentent aujourd'hui qu'environ 1% de la consommation électrique mondiale, cette part ne cesse de croître, portée notamment par le développement exponentiel de l'intelligence artificielle. Selon les prévisions de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la demande en électricité des centres de données dans l'Union européenne devrait passer de 100 TWh en 2022 à 150 TWh d'ici 2026. Une augmentation colossale qui s'ajoute à la croissance des besoins liés à l'électrification des transports et au déploiement de la climatisation.
Cette consommation énergivore pose déjà des problèmes à l'échelle locale, les datacenters ayant tendance à se concentrer dans certaines zones. En Virginie du Nord par exemple, qui concentre 70% du trafic internet mondial, 26% de l'électricité est dédiée aux centres de données. En Irlande, Dublin a dû décréter un moratoire sur toute nouvelle construction, les datacenters engloutissant 20% de la consommation électrique du pays.
Des géants de la tech peu transparents sur leur consommation
Face à cette situation préoccupante, l'AIE a organisé début décembre une conférence internationale inédite réunissant acteurs de la tech, énergéticiens et décideurs publics. L'objectif : pousser les géants du numérique à plus de transparence sur leur consommation actuelle et leurs besoins futurs, afin de permettre au secteur de l'énergie de s'adapter et d'anticiper les tensions. Car jusqu'à présent, les GAFAM communiquent très peu sur le sujet, malgré une pression croissante.
Les entreprises de la tech nous demandent toujours plus d'infrastructures réseaux et d'énergie. Mais de son côté, le secteur de l'énergie a aussi besoin de savoir rapidement combien d'électricité est requise et à quelle échéance.
Fatih Birol, directeur de l'AIE
Des efforts d'efficacité énergétique encore insuffisants
Certes, les acteurs de la tech mettent en avant leurs efforts en matière d'efficacité énergétique. Nvidia, leader des puces pour l'IA, affirme avoir multiplié par 3000 la performance de ses processeurs depuis 2016. Mais cela ne suffit pas à endiguer l'explosion de la demande, alimentée par la course à l'innovation dans le domaine de l'IA.
De leur côté, les géants s'engagent sur les énergies renouvelables, à l'image de Google qui revendique 14 GW de capacités vertes, ou de Microsoft avec 20 GW. Mais là encore, ces investissements peinent à suivre la croissance fulgurante des besoins, poussant certains à se tourner vers le nucléaire. Microsoft a ainsi signé un contrat avec la centrale de Three Mile Island, quand Amazon mise sur celle de Susquehanna. Des solutions qui ne seront toutefois pas opérationnelles avant plusieurs années.
Un enjeu de souveraineté et de sobriété numérique
Au-delà de la question énergétique, c'est un véritable enjeu de souveraineté qui se dessine. Car derrière la consommation électrique se cache la maîtrise des données et des infrastructures numériques. Un sujet d'autant plus sensible à l'heure où l'Europe cherche à affirmer son indépendance technologique face aux géants américains et chinois.
Mais la réponse ne pourra pas venir uniquement d'une augmentation de la production d'énergie. Il faudra aussi s'interroger sur nos usages numériques et tendre vers plus de sobriété. Car l'IA, aussi prometteuse soit-elle, ne pourra pas croître de façon infinie dans un monde aux ressources limitées. Un défi majeur qui appelle à repenser en profondeur notre rapport à la technologie et à l'énergie.
Une chose est sûre : pour relever ce défi, la transparence et la coopération de tous les acteurs sera indispensable. Il en va de notre capacité à construire un avenir numérique soutenable et souverain.
