
Le Canada place l’uranium au cœur de sa stratégie énergétique
Et si l'avenir énergétique mondial se jouait dans les profondeurs des mines canadiennes ? C'est le pari que fait Cameco, géant de l'extraction d'uranium basé au Canada. Avec la réouverture de sa mine phare de McArthur River, le groupe affiche ses ambitions : devenir un acteur incontournable pour alimenter le renouveau du nucléaire. Une stratégie révélatrice des nouveaux enjeux géopolitiques qui se dessinent autour de ce minerai si convoité.
Cameco, taillé pour les défis de demain
Loin de se cantonner à l'extraction, Cameco veut maîtriser l'ensemble de la chaîne de valeur de l'uranium. Purification, conversion, et bientôt enrichissement et fabrication de combustible via une prise de participation dans Westinghouse... Le canadien compte bien tirer son épingle du jeu sur un marché en plein essor, porté par l'impératif climatique et le regain d'intérêt pour l'atome.
Son atout maître ? Ses gisements "de rang 1", dont les coûts de production défient toute concurrence. Avec des réserves titanesques, notamment dans la mine de McArthur River, Cameco a de quoi voir venir. De quoi répondre sereinement à une demande qui devrait exploser dans la décennie à venir.
Notre stratégie consiste à pouvoir fournir l'ensemble de la chaîne de l'uranium.
Tim Gitzel, PDG de Cameco
Un paysage géopolitique chamboulé
Mais la partie est loin d'être gagnée. Car sur l'échiquier mondial de l'uranium, les cartes ont été rebattues. Avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie, et la volonté de nombreux pays de se détourner de Rosatom, mastodonte russe du secteur, les lignes bougent. Les clients se tournent désormais vers des fournisseurs plus "sûrs", à l'ouest. Une aubaine pour Cameco, qui a signé des contrats majeurs avec des électriciens d'Europe de l'est, auparavant captifs de Moscou.
Les États-Unis, eux, veulent bannir l'uranium russe de leur mix. Plutôt une bonne nouvelle pour le canadien, dont ils sont le premier client. Mais il faudra muscler l'offre pour satisfaire l'appétit du parc nucléaire américain. Un défi que Cameco entend bien relever, quitte à relancer des mines aujourd'hui en sommeil.
Miser sur l'innovation pour rester dans la course
Autre défi de taille pour rester dans la course : l'innovation. Car les besoins en uranium évoluent, avec l'émergence de petits réacteurs modulaires (SMR) prometteurs. Pour les alimenter, il faudra de nouveaux combustibles. Un créneau sur lequel Cameco compte bien se positionner, avec des investissements massifs en R&D.
Dans son viseur notamment, les techniques d'enrichissement par laser. Une technologie en rupture, bien moins énergivore que les procédés actuels par centrifugation, et que le groupe espère déployer à l'échelle industrielle d'ici la fin de la décennie. De quoi prendre une longueur d'avance, alors que la concurrence s'annonce rude sur le marché prometteur des SMR.
Si la route est encore longue, une chose est sûre : Cameco a l'intention de peser de tout son poids dans le "grand jeu" de l'uranium. Son PDG l'assure : "nous sommes confiants dans notre capacité à répondre à la demande". Reste à transformer l'essai, pour faire du Canada un acteur énergétique de premier plan, à l'heure où le nucléaire revient sur le devant de la scène. Les cartes sont entre ses mains.